L'annonce par ALM de la découverte de peintures rupestres dans la région de Tan-Tan a provoqué plusieurs réactions de la part des archéologues marocains. Certains s'expliquent sur les raisons du silence observé au sujet de cette découverte, d'autres réfutent les hypothèses qui ont été formulées à son égard. Le débat est ouvert. L'article paru dans le numéro 232 de ALM a suscité plusieurs réactions dans le milieu des archéologues au Maroc. Cet article informait sur la découverte de peintures rupestres dans la région de Tan-Tan par une femme nomade nommée Fatimatou Malika Bent Benatta. Mohssine El Graoui, directeur du Centre national du patrimoine rupestre, estime que cette découverte est certes exceptionnelle, mais il ajoute que c'est en raison de cela justement que « nous sommes obligés de la tenir en secret pour préserver le site jusqu'à la réalisation d'une étude scientifique et l'élaboration d'un plan pour sa protection. » Il précise que cette découverte remonte à une année et demie, mais que « la préservation de notre patrimoine de la dégradation et du pillage nous oblige à rester très vigilant. » Une mission est prévue à cet égard au mois de décembre pour inventorier les sites préhistoriques dans cette région. Le Groupe de recherche sur les inscriptions amazighes du Maroc, constitué des archéologues Ahmed Skounti, Abdelkhalek Lemjidi, El Mustapha Nami, se félicite pour sa part de la divulgation de l'information. Nous nous réjouissons que «Aujourd'hui le Maroc » ait publié la nouvelle d'une découverte capitale pour l'archéologie et l'histoire de l'art telle que le site de peintures d'Azguerve» estiment ses membres dans un communiqué. Ils ajoutent qu'il est «réconfortant que, pour une fois, la découverte soit attribuée à son véritable auteur anonyme, Madame Fatimatou Malika Bent Benatta, et non à quelque “scientifique” ou “amateur”» . Ils saluent l'initiative de l'archéologue Robert Letan qui s'est déplacé dans le site et en a informé le public via notre journal. En revanche, ils considèrent que ses interprétations sont très peu convaincantes. La datation des peintures d'abord. « À notre connaissance, aucun site de peintures au Maroc n'a fait l'objet d'une datation absolue, ni au Carbone 14 ni à l'aide d'aucune autre méthode » précise le communiqué. Ses auteurs considèrent que le chiffre de 4000 ans avancé par Robert Letan n'a aucune valeur scientifique. « Il émane d'un préjugé qui tend toujours à rajeunir les sites africains en les comparant avec les sites franco-cantabriques ». En atteste, selon les auteurs du communiqué, la référence par Letan au site de Lascaux qui remonte à 17 000 ans. Quant à l'hypothèse formulée par Letan au sujet des représentations qui confirment que des personnes originaires d'Afrique sub-saharienne sont venues s'établir au Maroc où il y avait un grand fleuve (Draâ), une région fertile et des animaux», elle est jugée aberrante par le Groupe de recherche sur les inscriptions amazighes. «Que les traits des personnages représentés à Azguerve soient négroïdes, quoi de plus normal dans une zone à la croisée de deux grandes régions africaines, l'Afrique du Nord et l'Afrique sub-saharienne.» Par conséquent, les membres de ce groupe estiment qu'il n'y a pas lieu de considérer les populations noires comme étant étrangères à notre pays. « Il n'y a qu'à voir le peuplement du Sud de l'Atlas pour se convaincre que la population noire du Maroc ne se réduit pas à quelques esclaves ramenés du Soudan par les souverains saâdiens. C'est, au contraire, une population beaucoup plus ancienne et très tôt établie sur les cours d'eau et les oasis.» Voilà pour les objections formulées à l'égard des interprétations de Robert Letan. Le débat est ouvert au sujet des personnes représentées dans les murs du site d'Azguerve. Pour le reste, la découverte des peintures de ce site n'est pas la seule du genre dans le sud du Maroc. Que ce soit le directeur Centre national du patrimoine rupestre ou les archéologues du Groupe de recherche sur les inscriptions amazighes, ils sont unanimes à reconnaître que la région cache de véritables trésors archéologiques. Il reste à savoir pourquoi ces sites sont très peu dévoilés au public, et pourquoi ne fait-on rien pour les valoriser. Sachant pertinemment que la pire des dégradations qui menace un site de cette nature est la négligence ou le désintérêt.