Des peintures rupestres uniques dans leur genre ont été découvertes par une femme nomade dans la région de Tan-Tan. Cette découverte est, à tous égards, exceptionnelle selon l'archéologue Robert Letan, qui a constaté de visu leur importance. Elle confirme que des personnes originaires de l'Afrique noire ont vécu au Maroc, il y a 4000 ans. Il s'agit d'une découverte archéologique non seulement capitale pour le Maroc, mais pour l'ensemble des hommes. Comme dans toute les grandes découvertes, le hasard a joué un rôle déterminant. Au mois de juillet, par une chaleur suffocante, une nomade parcourt en compagnie de son enfant l'une des régions les plus ingrates du Royaume. C'était à Azguerve, situé à 50 km au sud de M'Seied (province de Tan-Tan). La terre est un mélange de cailloux et de sable. Quelques touffes de plantes à caractère épineux donnaient une maigre pâture au troupeau de dromadaires de la famille de Fatimatou Malika Bent Benatta. Elle a l'habitude des chaleurs extrêmes. Elle ne s'essuie pas le front, ne suffoque pas, ne se plaint jamais. Cela fait longtemps qu'elle a développé une résistance au climat saharien. Mais ce jour-là, la chaleur tombait comme du plomb. Et Fatimatou craignait moins pour sa tête soigneusement enveloppée dans une étoffe bleue que pour celle de son jeune garçon qui gardait le troupeau. Elle se met alors en quête d'un abri pour trouver de l'ombre. Elle le trouve dans un ensemble de rochers qui s'étagent à la manière de dalles. Elle s'y abrite en compagnie de son fils. Fatimatou lève la tête et découvre un miracle. Des représentations intactes d'êtres humains et d'animaux. Des peintures impeccablement préservées grâce au climat sec de la région. Fatimatou est interloquée par ces figures. Elle prévient le khalifa, qui informe à son tour le caïd. Peu de temps après, M. Gandini, un journaliste en quête de pistes dans le désert, traverse la région. Il saisit immédiatement l'importance de la découverte, et contacte un archéologue français qui vit au Maroc depuis quarante ans : Robert Letan. Ce dernier se déplace pour constater l'importance de la trouvaille. «Quand j'ai vu ces peintures, j'ai été saisi par une émotion que j'ai rarement éprouvée pendant toute ma carrière d'archéologue», nous confie Letan. «Ces peintures rupestres sont un peu plus récentes que celles de la grotte de Lascaux (endroit qui renferme de très importantes peintures rupestres en France). J'estime qu'elles ont près de 4000 ans, mais elles représentent un intérêt considérable». Et pour cause, ce sont les premières peintures rupestres que l'on découvre au Maroc. «On a découvert des gravures rupestres et quelques empreintes laissées par des mains sur des parois, mais jamais de peintures. De ce point de vue-là, cette découverte est absolument exceptionnelle !», renchérit Robert Letan. Exceptionnelles sont aussi les représentations peintes à l'aide d'ocre et de matières organiques grasses. On voit des hommes armés d'arcs, se livrant à une danse autour d'animaux. On voit un éléphant parfaitement peint et d'autres bêtes que les spécialistes pourront nommer. «Les endroits présentant des peintures rupestres n'ont pas été habitées. Ce sont des lieux cultuels», selon Letan. Du reste, l'intérêt de ces peintures rupestres ne réside pas seulement dans la qualité des représentations et dans le caractère unique de cette découverte dans le pays. Elles confirment que des populations d'Afrique sub-sahariennes ont vécu au Maroc, ajoute Letan. Les personnes représentées sont en effet dotées d'un postérieur extraordinairement proéminent et de sexes en érection. Selon Robert Letan, les hommes peints ne sont pas en érection, mais portent des étuis péniens comme plusieurs peuples de chasseurs en Afrique noire. Leur morphologie est la même que celles des Khoïsan, une ethnie qui vit en Afrique du Sud . Et Letan de formuler cette hypothèse : les personnes originaires d'Afrique sub-saharienne sont venues au Maroc où il y avait un grand fleuve (Draâ), une région fertile et des animaux. Des chasseurs se sont établis dans cette région avant qu'elle ne se dessèche. Une fois cette terre desséchée, ils ont reculé vers le sud, laissant sur leur passage les marques de leurs coutumes et vêtements que l'on retrouve dans plusieurs régions en Afrique noire. Aux archéologues de discuter le bien-fondé de cette hypothèse. En revanche, personne ne peut nier l'importance de la découverte de Fatimatou Malika Bent Benatta. Une femme nomade qui a eu l'intelligence, le génie peut-être, de comprendre que l'ombre d'un rocher abrite une découverte magnifique.