Homme de grande stature, jaloux de son image, qui inspire et force le respect aussi bien de ses amis que de ses adversaires politiques, Abderrahmane Youssoufi rend le tablier avec le sentiment du devoir accompli. C'était prévisible, Abderrahmane Youssoufi ne rempilera pas. Il a jeté l'éponge. Avec le sentiment du devoir accompli. À 78 ans, l'homme qui a conduit l'alternance consensuelle depuis 1998 passe le témoin à un nouveau Premier ministre sans appartenance politique. Le communiqué officiel annonçant la désignation d'un nouveau chef de gouvernement a exalté “le patriotisme, l'abnégation et le sens de l'État“ de M. Youssoufi, qui sera appelé à “s'acquitter de missions prochaines qui engagent les intérêts supérieurs de la nation“. Tel est Abderrahmane Youssoufi. Un homme de grande stature, jaloux de son image, qui inspire et force le respect aussi bien de ses amis que de ses adversaires politiques. On salue surtout son intégrité et son honnêteté et la haute idée qu'il a eue de sa mission. Les membres de son gouvernement ont appris à le connaître pendant les cinq années de l'alternance. Ils apprécient son sens du devoir et de la solidarité. “ Abderrahmane Youssoufi est un cadeau du ciel qui a su conduire en douceur la transition démocratique“, confie un proche collaborateur. Rarement quand il laisse libre cours à ses sentiments par des gestes intempestifs ou exubérants. C'est sa nature. Derrière son calme apparent se profile un fin stratège politique. Quand il est en confiance, c'est un large sourire qui traverse son visage comme une bouffée d'air frais. Il sait aussi être volontiers taquin et franchement rieur. Abderrahmane Youssoufi a laissé l'impression d'un homme qui a œuvré pour consolider le processus démocratique initié sous feu S.M Hassan II . Lequel a réussi à dépassionner le climat politique et à le pacifier en amenant le Premier secrétaire de l'USFP à accepter l'offre de pouvoir. M. Youssoufi a relevé ce défi au prix d'une salve de critiques, souvent dures, d'une grande partie des siens qui ont mal vécu le passage de l'USFP au gouvernement. Alors que ce parti commence à sortir des réflexes de l'opposition et à intégrer la culture de gouvernement, le voilà qui se raidit subitement en laissant entendre, par un communiqué du Bureau politique diffusé jeudi 10 octobre, qu'il ne participerait pas au prochain exécutif dirigé par Driss Jettou. “ Ni soutien critique, ni vote des textes au cas par cas, ce sera l'opposition et rien d'autre. Comme par le passé“, explique un dirigeant de l'USFP. L'histoire se répétera-t-elle à l'identique ?