La catastrophe est plus supportable quand elle est généralisée. Ce dicton arabe ne se vérifie malheureusement pas dans l'affaire Al Najat-Anapec. Plus le nombre de victimes augmente, plus la nécessité de les dédommager s'impose. Syrie : l'enquête menée par le journal syrien «Al Ittijah Al Akhar», renforcée par des déclarations d'officiels syriens, suscite une longue réflexion de par la nature des interrogations soulevées. La compagnie salvatrice comptait en fait recruter 250.000 Syriens à expatrier sur une période de 3 ans!! Sans aucune contrepartie. Vu la conjoncture internationale actuelle, même une voyante de la pire espèce s'abstiendrait d'une telle promesse. C'est dire combien la crise de l'emploi peut constituer un gigantesque champ d'investissement, même virtuel. Seulement, à Damas, le scandale a abouti à un remaniement ministériel. Kenya : l'offre hautement généreuse de 50 000 emplois sur des bateaux de croisières apparaît pour la première fois au Kenya en juin 2001. Le ministre kenyan du développement des ressources de travail, Joseph Ngutu, avait alors annoncé que l'opération orchestrée par Al Najat n'était qu'un infâme canular. «Les faits enregistrés permettent raisonnablement de croire que les emplois annoncés n'existent pas» avait déclaré M.Ngutu. Ce dernier a même demandé au département des investigations criminelles de mener une enquête. L'offre généreuse d'Al Najat avait conduit un bon nombre de Kenyans à se débrouiller pour s'acquitter des frais d'inscription auprès des recruteurs ( 96 dollars us dont 38 dollars pour frais d'ouverture de dossier et les 58 autres pour couvrir l'examen médical). L'équivalent de quatre mois de salaire au Kenya. Et puisque la plupart des intéressés sont des citoyens extrêmement pauvres, l'impact de l'arnaque a fait beaucoup de mal. Après tout, l'Afrique n'est-elle pas habituée à la pauvreté et aux diverses souffrances ? Vietnam : Mardi 23 juillet 2002, la Fédération internationale du transport (FIT) rapporte qu'elle a été contactée par un diplômé vietnamien qui a répondu à l'annonce de recrutement de 500 employés pour le compte de bateaux de croisières en Europe. La compagnie de recrutement vietnamienne, Airserco, a été prospectée par Al Najat en début de ce mois de juillet, a déclaré le jeune diplômé à la FIT, ajoutant que la compagnie lui a demandé de verser une avance de 2000 dollars us, ce qui lui a mis la puce à l'oreille quant à l'existence de ces emplois. Cette présence apparente d'Al Najat au Vietnam a déclenché le compte à rebours de la mise à jour de l'arnaque. David Cockroft, secrétaire général de la FIT a déclaré à la presse : «Puisque les gouvernements (et les forces de police) du Kenya, Maroc, Pakistan, Inde et maintenant le Vietnam, ont été incapables d'agir contre Al Najat -alors qu'ils sont conscients de ses fraudes et savent pertinemment qu'elle arnaque leurs citoyens- il faut maintenant donner carte blanche à Interpol pour qu'elle puisse arrêter les agissements de cette compagnie et mettre fin à son opération criminelle internationale». Il faut dire que le choix des victimes n'est pas accidentel. Si ces pays ciblés par Al Najat ne souffraient pas d'un taux élevé de chômage, leurs populations seraient moins perméables aux manips de la compagnie super recruteuse. Cependant, au fur et à mesure que le temps passe, l'étau se resserre de plus en plus sur l'ensemble des instigateurs de l'arnaque. Jordanie : Il y a quelques jours, le ministère émirati de l'Emploi et des Affaires sociales a publiquement exprimé «ses regrets» pour l'arnaque dont sept mille Jordaniens furent victimes par l'entremise de la société Al Najat, dont le siège se trouve à Dubaï. Le sous-directeur chargé de la planification de la main-d'œuvre au même ministère, Ahmed Kajour, a fait une déclaration au journal émirati «Al Ittihad». M.Kajour a affirmé que son département dégage toute responsabilité quant aux manœuvres de la société AL Najat. Il a même «regretté que cette escroquerie ait fait un aussi grand nombre de victimes». Et quand le journal essaye de joindre Georges Matheus, responsable du bureau d'Al Najat à Dubaï, ce dernier s'est volatilisé. Les représentants d'Al Najat en Jordanie et en Syrie sont également introuvables. Au Maroc, il est clair maintenant que le directeur de l'ANAPEC sera le bouc émissaire par excellence, car comme dit le dicton, quand il pleut, on se mouille. Mais quelle consolation servira-t-on aux victimes pour faire oublier cette opération de la honte ?