L'économie électorale est majoritairement informelle et des sources de financement «mystérieuses» Un scrutin, c'est des urnes, des candidats, une campagne mais aussi de l'argent… beaucoup d'argent. Les institutions publiques, comme l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), parlent carrément d'une économie électorale. Si les lois et règlements en vigueur encadrent théoriquement les dépenses dans les élections, les pratiques sur le terrain, du moins pour de nombreux candidats, sont totalement différentes. Une élection passe donc par une campagne électorale menée par un candidat qui a besoin d'un financement. Grosso modo, il y a deux types de financement. Tout d'abord, l'Etat offre des subventions. A titre d'exemple, le budget public prévu lors des dernières élections communales et régionales 2015 était de l'ordre de 250 millions de dirhams (150 M pour les Communales et les 100 M restants pour les Régionales). A l'époque certains partis avaient jugé cette somme largement en deçà des besoins sachant que les candidats pouvaient dépasser les 10.000 dans certains cas. Force est de reconnaître que la loi en vigueur fixe théoriquement des règles strictes pour l'usage des aides publiques dans les campagnes électorales. Mais du moment que les subventions étatiques sont insuffisantes de l'avis de partis eux-mêmes, la grosse part des dépenses électorales est supportée par les candidats. C'est la deuxième source de financement. Théoriquement encore, la loi fixe un plafond pour les dépenses électorales. Dans ce sens, le seuil autorisé pour les candidats aux élections de la Chambre des conseillers en octobre 2015 a été fixé à 300.000 dirhams. Cela dit, des carences multiples dans le contrôle des dépenses sont observées. Dans une récente intervention, Ali Ram, directeur du pôle juridique à l'ICPC, a mis le doigt sur une multitude de dysfonctionnements. La liste contient notamment le dépassement du plafond légal des dépenses, un contrôle peu efficace et des dépenses illégales. Il s'agit là des ingrédients d'une véritable économie électorale informelle. Il faut dire que le dépassement du plafond des dépenses est souvent inévitable pour des raisons liées notamment à la procédure de la fixation du plafond par les autorités. Un plafond qui est fixé à une échelle nationale sans prise en considération de l'étendue des circonscriptions ni du nombre des électeurs. Dans les dernières élections communales, le plafond était de 60.000 dirhams pour tous les candidats pour les communes urbaines comme les rurales. Alors que tout le monde est d'accord sur l'insuffisance des aides publiques, le recours à d'autres contributions financières est systématique. Le hic, c'est qu'il y a un vide juridique, selon Ali Ram, concernant les donations et participations. Pour le même responsable, les lois en vigueur se contentent de réglementer les dépenses issues des aides publiques et la fixation d'un plafond sans l'obligation de clarifier les sources de financement, ce qui consacre le caractère mystérieux dans le traitement des dons obtenus à l'occasion de la campagne électorale. Il existe également un problème au niveau des personnes impliquées par les candidats dans l'animation de leur campagne électorale. Tout le monde sait que ces personnes reçoivent de la part des candidats une contrepartie financière parfois quotidienne mais ces pratiques échappent souvent au contrôle. La solution selon l'ICPC et le CNDH (Conseil national des droits de l'Homme) passerait notamment par l'introduction de contrats de travail. Plus loin encore, le directeur du pôle juridique au sein de l'ICPC affirme que «dans le climat juridique actuel, une multitude de dysfonctionnements subsiste. Ceci renforcerait la certitude autour de l'utilisation des moyens de financements secrets».