Apparemment, l'heure de la vérité a sonné. L'ANAPEC doit des explications aux victimes de l'escroquerie de la société émiratie « AL Najat Marine Shipping ». L'atmosphère est de plus en plus tendue. Qu'il est fracassant le récif de la désillusion. L'opération de grande envergure qui allait sauver quelque 30.000 chômeurs de la précarité n'est plus. Amertume et frustration sont les maîtres mots des centaines de jeunes venus protester en se rassemblant devant les locaux de l'ANAPEC lundi à Aïn Borja et mardi matin à proximité du boulevard Hassan II. Un vrai sit-in où les slogans répétés sont très révélateurs. «Hada Ar, hada Ar, koulchi wlla cheffar», «La visite hahia, la croisière finahia », et ainsi de suite dans une perspective qui s'annonce mal pour les initiateurs locaux de cette grande arnaque. Des jeunes aux regards atones qui ne savent plus où donner de la tête. Et ce ne sont pas les anecdotes qui manquent parmi les rêveurs de l'Eldorado. «Je contemple la mer immense, sereine et pacifique sous la bienveillante voie lactée ! Ô sancta simplictas de la nature, grisante ivresse d'une nuit de paix…» Ce sont les propos émis par un candidat à l'emploi sur des bateaux de croisière pendant son sommeil, les jours suivant son inscription. Abdelghani est devenu poète malgré lui sous le coup de l'euphorie. Tellement l'affaire paraissait dans la poche. « J'ai une licence en sciences économiques, je comptais faire mon troisième cycle quand la providence a mis cette opportunité sur mon chemin. Confirmée par des instances officielles et re-confirmée à maintes reprises par le ministre de l'Emploi lui-même au Parlement et à la télé, il n'y avait pas de lieu pour le doute dans cette affaire». Ce jeune homme n'imaginait pas une seule fois qu'il se transformerait en manifestant pour les mêmes raisons. Aujourd'hui, tous les candidats marocains qui croyaient en cette promesse fictive sont au bord de l'apoplexie. Et pour cause. Nombreux sont ceux qui ont quitté leur travail pour se préparer à voguer dans les hautes mers. Il y a des diplômés universitaires qui ont manqué leurs inscriptions au troisième cycle car ils comptaient embarquer au mois d'août. Et enfin, il y en a qui ont fait des crédits pour se préparer à ce long voyage duquel ils comptaient revenir riches. Tout ce beau monde envisage de se regrouper dans une association de personnes lésées pour entamer une longue poursuite en vue de récupérer leur argent et les dégâts qui s'en sont suivis. Ils ont contacté des avocats dans ce sens. Pendant ce temps, le directeur de l'ANAPEC, qui fera sans aucun doute le bouc émissaire, est introuvable. En tout cas, c'est ce qu'ont répété les responsables de l'agence d'Aïn EL Borja aux manifestants. Dire qu'il y a quelques mois, on couvrait cette opération de tous les éloges, tout en traitant la presse nationale qui mettait les candidats en garde contre une éventuelle escroquerie, de fautrice de troubles (Abbas El fassi sur 2M). La salve de dithyrambes à la gloire d'Al Najat, société salutaire pour les jeunes chômeurs, a cédé la place à un mutisme inexplicable. Au meilleur des cas, les candidats lésés devraient récupérer leur argent. Mais qui va payer cette facture aussi salée que la mer Caspienne ? Il s'agit quand même de près de deux milliards de centimes qui ne se trouvent sûrement plus au Maroc. Qui va endosser la responsabilité de cette humiliation annoncée ? Comment faire pour éviter de tels agissements dans l'avenir ? Inutile de rappeler que la situation est très tendue dans les milieux des victimes qui sont venues de tous les recoins du Royaume. A l'oscar du plus grand menteur, la course sera rude, car il faudrait bien sauver la face. L'affaire est loin d'être terminée.