Le terrible naufrage du Joola intervenu dans la nuit du 26 septembre n'a pas fini d'alimenter la polémique. Les autorités sénégalaises ont fait état dimanche de 970 victimes, tandis que la colère de la population grandit. Le dernier bilan donné dimanche par Dakar après le naufrage du bateau reliant la capitale à la Casamance risque d'ici les prochains jours de s'alourdir encore, alors qu'avec les de 700 victimes, on est actuellement passé à près d'un millier. Les autorités ont en effet annoncé trois jours après le drame qu'il y avait en fait 1.034 personnes à bord du Joola, et non 796, comme indiqué vendredi. Seuls 64 rescapés ont à ce jour été retrouvés, secourus pour la plupart grâce aux navires de passage dès les premières heures qui avaient suivi le chavirement du navire. Dimanche, Diadji Touré, conseiller à la communication du Premier ministre sénégalais, a précisé que de nombreux passagers étaient montés en route. «797 personnes étaient au départ de Ziguinchor (Casamance), 185 ont embarqué à Karabane (une île à l'embouchure du fleuve Casamance)», précisait le communiqué officiel. Mais sait-on vraiment combien de personnes étaient à bord du navire, le président sénégalais lui-même ayant déclaré que nombreuses étaient celles qui avaient embarqué «sans billet. Le premier chiffre avancé -796 personnes- avait d'ailleurs été considéré par de nombreux Sénégalais comme sous-évalué, Celui de 1.034 paraît aujourd'hui «trop précis» pour être exact. Une seule donnée est sûre : la capacité théorique du bateau était d'environ 550 passagers. Pour l'heure, seulement 350 corps ont été repêchés et acheminés vers Dakar ou Banjul. Les autorités envisageaient même de boucler ce lundi l'enquête sur le plus meurtrier des naufrages de ferries que l'Afrique ait connu. Les raisons de cette catastrophe survenue dans la nuit du 26 au 27 septembre n'ont pourtant pas été élucidées. Tempête ? surcharge ? négligence ? Si le facteur climatique a depuis le début mis tout le monde d'accord, l'état de fonctionnement du ferry a largement divisé les responsables sénégalais. Allant à l'encontre des propos de plusieurs responsables militaires et du premier ministre Mame Madior Boye, le chef d'Etat avait admis que le navire, dont l'équipage était constitué de 52 militaires, était surchargé. Le jour de son naufrage, le bateau «penchait» en effet, comme l'atteste une vidéo amateur. Abdoulaye Wade avait même reconnu la «responsabilité de l'Etat», réclamant aux enquêteurs des informations concernant «les éléments techniques» sur le bateau, les «réparations faites», les «conditions d'embarquement des passagers», «ce qui est arrivé en mer», «l'organisation des secours»... «Tirant d'eau trop faible», «trop haut, trop lent» avait déjà conclu vendredi le dirigeant alors que les habitants de Dakar se pressaient devant la présidence pour lui demander des comptes et réclamer la démission du ministre des Transports. Propriété de l'Etat, le navire, dont l'exploitation était assurée par l'armée, avait été à l'arrêt pendant une année pour réparations. Le 10 septembre, le Joola avait finalement repris du service. Pour la région de Casamance, en proie à une rébellion indépendantiste depuis vingt ans et enclavée entre la Gambie et la Guinée-Bissau, il était un lien essentiel de communication avec le reste du Sénégal depuis ses premières rotations - deux navettes par semaines - en 1990. Les passagers du navire étaient principalement sénégalais, mais plus d'une quarantaine étaient des étrangers : vingt Bissau-Guinéens, dix Français, trois Espagnols, deux Belges, deux Néerlandais, deux Suisses, deux Nigériens, un Libanais et un Burkinabé.