Les résultats des élections législatives ne permettent pas la constitution d'un nouveau gouvernement dans des conditions qui confortent les classifications classiques. Mais entre l'USFP et l'Istiqlal, la guerre des positions se confirme. Si le gouvernement sortant a le mérite d'avoir veillé à la tenue des premières élections libres et transparentes du pays, il n'en demeure pa moins que la carte politique issue d'un nouveau mode de scrutin reste fragmentée et l'espace partisan de plus en plus éclaté. Au lieu de quinze partis, le Maroc dispose aujourd'hui de 22 formations politiques au sein du Parlement. Déjà, dès l'annonce, samedi dernier, par le ministre de l'Intérieur des résultats partiels des listes locales du scrutin du 27 septembre, des penchants vers la surenchère entre l'Istiqlal et l'USFP ont commencé à se manifester. «Nous sommes le premier parti au Maroc. Nos calculs précis, qui diffèrent de ce qui a été déclaré par le ministre de l'Intérieur, montrent que le Parti de l'Istiqlal a obtenu jusqu'à présent 46 sièges et que nous allons gagner dans au moins cinq des dix autres circonscriptions, compte non tenu de la liste nationale. Nous envisageons l'avenir avec optimisme, puisque certains militants qui se sont présentés au nom d'autres partis, à cause d'une injustice ou d'une erreur aux plans local ou central, vont revenir. Il s'agit de quatre militants au moins. En général, nous avons enregistré un progrès en comparaison avec les élections précédentes». C'est en ces termes que Abbas El Fassi, secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, se prononce par rapport aux élections du 27 septembre. Une manière à lui de contester le leadership de la formation du Premier ministre Abderrahman Youssoufi et de prétendre à la primature. Probablement avec l'appui du Parti de la justice et du développement (PJD), dont le nombre de députés s'est multiplié par quatre au moins par rapport à 1997. Face à cette situation, l'USFP a préféré rester calme et garder le silence, en attendant le verdict définitif des urnes. Pour des membres de son bureau politique, la situation à venir sera difficile à gérer. D'une part, il y a cette montée en flèche des islamistes et, d'autre part, la difficulté de la cohabitation entre l'Istiqlal et l'USFP. Pour des membres de ce parti, la coalition entre ces deux formations du Mouvement national a fait son temps et il est plus opportun, probablement, pour le bien du pays de réfléchir sur une nouvelle configuration de l'équation majorité-opposition. Certes, à la lumière des données disponibles, il y a lieu de déduire la reconduction politique de la composition hétéroclite actuelle avec l'USFP (44 sièges), l'Istiqlal (40), le RNI (37), le MNP (24 ), le FFD ( 11) , le PPS (9) et le PSD (5), selon les résultats partiels annoncés samedi 28 septembre par le ministre de l'Intérieur. Mais cette coalition a été marquée par ses dissensions internes et l'absence de cohésion au niveau du discours. D'un autre côté, il s'avère maintenant que la composition du Parlement ne permet guère la classification sur la base de schémas d'identité classiques, traitant de la gauche, de la droite et du centre. Le pôle de gauche gravitant autour (ou en marge) de l'USFP ne dispose pas d'assez de voix lui permettant de former une majorité et de prendre les commandes du gouvernement. En même temps, le groupe du Wifak, qui a perdu plusieurs dizaines de sièges par rapport aux élections de 1997, ne peut constituer une majorité parlementaire ou gouvernementale et ce, d'autant plus que la régression de son influence a été largement compensée par la montée des islamistes. Enfin, le débat sur l'antagonisme pré-démocratique, entre partis nationaux et partis d'administration n'a plus de valeur. Car depuis le 27 septembre, toutes les formations politiques siégeant au Parlement jouissent d'une légitimité démocratique. Et c'est là peut-être la nouvelle carte dont dispose le parti du Premier ministre.