Rien n'a été clair dans les tractations politiques qui ont suivi les législatives. On ne sait plus qui ne sera pas l'allié de l'autre. Résultat, un premier ministre non partisan. Le verdict des urnes est troublant. Au lieu de clarifier davantage les choses, avec une majorité et une opposition, consolidées l'une et l'autre par des formations d'appoint, on a eu un résultat qui, arithmétiquement parlant, permet toutes sortes d'alliances. Au point même que l'on peut parler d'alliages dont personne ne sait ni la résistance, ni la viabilité. Justement, le souci premier est d'ordre purement arithmétique. Il faut avoir le maximum d'effectifs. Quitte à ce que les alliances n'aient aucun fondement solide. Sauf cet engagement de voter pour. Un engagement qui, lui aussi, risque de changer d'un jour l'autre. Ainsi, le rapprochement entre l'Istiqlal et le Parti de la justice et du développement était connu à la veille des législatives, pour des considérations pas toujours orthodoxes, tout comme les alliances nouées, par exemple, entre l'Alliance socialiste (PPS et PSD) et Al Ahd. Nombre de ces rencontres, à part celle entre les deux grandes factions de la mouvance populaire, (MP et MNP), qui semble plus «naturelle», posent problème. Au fait, quelle signification politique peut avoir la rencontre USFP et Union démocratique de Bouazza Ikken, une autre faction de la mouvance populaire ? A part le fait qu'elle s'inscrit à l'opposé de la volonté affichée de l'Istiqlal d'avoir la primature, on ne peut trouver aucun point commun entre les deux formations, aucune plate forme programmatique commune, voire aucune vision concordante des choses. La défense de la démocratie et de l'intégrité territoriale ne fait pas non plus des prises de position qui distinguent l'UD du MDS ou l'USFP du PPS pour opérer des distinctions pertinentes entre les uns et les autres. De même, la nouveauté de ces semaines de tractations, c'est qu'on découvre que le leader d'Al Ahd, est un ancien militant de gauche. Ce qui justifierait amplement le fait qu'Al Ahd, un autre rejeton de la famille populaire, rejoigne l'alliance socialiste regroupant le PPS et le PSD. Ceci pour justifier encore la rencontre des trois formations avec l'USFP… On peut aisément concevoir l'USFP se réunir avec le RNI et avec le MNP. Sans affinités idéologiques affirmées, mais au moins les trois formations ont eu en commun un gouvernement d'alternance au sein duquel elles ont constitué une importante composante. Mais les rapprochements de tous genres, n'augurent rien de bon. Et ce, pour une raison toute simple qu'on peut résumer en trois petites remarques. La première remarque concerne les fondements idéologiques de toute alliance. On veut bien croire en la fin des idéologies, mais rien ne nous permet de croire en la possibilité de la réussite d'une alliance politique contre-nature. La deuxième remarque relève du passé récent. Juste avant les élections même, on arrivait à distinguer diverses formes de clivages et de nuances. Les accusations fusaient entre Istiqlal et MP ou entre USFP et Al Ahd. Et comme par magie, au lendemain du scrutin, on décide de se retrouver et de nouer des alliances pas du tout saines. Enfin, une troisième remarque, qui concerne, elle, le bilan du gouvernement sortant. Sur quelle base des alliances se font si l'ancienne majorité s'entre-déchire autour du bilan de l'action commune du gouvernement de l'alternance ? S'il est sûr que le calcul politique, voire politicien, prend le pas sur les référents politiques et idéologiques, ce qui paraît somme toute de bonne guerre, il n'en demeure pas moins vrai que le champ politique perd en visibilité, en clarté et en crédibilité. Si on ajoute à cette panoplie d'alliances hors normes les comptes faits autour d'éventuelles transhumances, autour de probables transfuges, on verra mal comment une telle majorité appelée à gouverner le pays pendant cinq ans sera à même de relever le défi avec des partenaires qui brassent tout le spectre politique national.