À peine arrimée au Crédit agricole, la BMAO annonce des performances. Un redressement rapide, trop rapide, compte tenu de la situation de l'institution il y a quelques mois, présentée officiellement comme un canard boiteux. Douteux. Cédée armes et bagages pour un dirham symbolique, il y a seize mois, la BMAO serait désormais hors de danger. Une situation financière assainie, des engagements tenus et des prévisions excellentes qui contrastent avec la valorisation négative faite avant la cession. A l'époque, les conclusions étaient accablantes. Ainsi, la différence entre les actifs et les passifs de la banque était négative de 300 millions de dirhams. Cette page sombre serait aujourd'hui tournée. Le capital de la banque a été augmenté de 630 MDH au mois d'août dernier grâce, en partie au renflouement de la BME par la BNDE, autre institution présentée pourtant comme moribonde. Actuellement, la banque parachève la reprise des 11 agences de la BNDE, ce qui correspond à une augmentation du capital en nature. A en croire certaines analyses, depuis la reprise en main de cette institution par le Crédit agricole, la petite banque fait des miracles. Les pronostics établis par le cabinet Téléstratégie et Associès pour l'année en cours tablent sur des bénéfices de 50 millions de dirhams, suite à des performances semestrielles encourageantes pour la banque. Le staff de la banque viserait même un profit supérieur. Le Crédit agricole y est certainement pour beaucoup dans ce retour à la normale. Les choix stratégiques, allant de l'épuration du passif de la banque à sa modernisation, ont été payants. Comme le sera certainement l'augmentation du capital. Seulement, dans les milieux financiers, beaucoup sont surpris de voir la BMAO revenir aussi vite à la rentabilité. Interrogé, un jeune analyste à la Bourse, étonné qu'après dix ans de pertes, la BMAO revienne aussi vite sur le tableau des bonnes performances, se refuse toutefois à avancer des explications. La manière dont l'opération avait été menée était pourtant sans équivoque. Avec ses 27 agences, son 2,5 milliards de dirhams de dépôts attendus passer du simple au double dans deux à trois ans, la BAMO était dans le rouge, alors que les projections pour la future débordaient d'optimisme. Présentée comme une bombe à retardement, la BMAO devait assurer au Crédit agricole, 3,99 milliards de dirhams de ressources clientèles et une augmentation de 2% des parts de marché, etc. Les différents audits menés par certains organismes dont le ministère des Finances et la CDG, garderont leurs conclusions longtemps secrètes. Un black out qui ne fait que renforcer les doutes. Outre ces zones d'ombre, la banque souffrait aussi de cas de détournements ou malversations. Des chiffres sont avancés et l'on parlait notamment, de 220 millions de dirhams découvert au terme d'un audit mené par le ministère des Finances. Bref, tout laissait croire que l'opération, pour peu qu'elle soit financière, était d'abord politique et dans tous les cas peu diplomatique. Notons que les petits actionnaires récalcitrants ont été désarmés peu avant l'arrimage. En effet, en radiant le titre de la société mère à la cote, les minoritaires perdaient du coup toute possibilité de s'opposer au train en marche par une OPA. En tout cas, au delà des interrogations des uns et des autres, ce sera surtout la stratégie du Crédit agricole qui a été payante. Le groupe aura dans le cas où la BMAO (qui traîne avec elle la BNDE) serait en difficulté, réussi en peu de temps à transformer une vieille casserole en lampe d'Aladin. En tout cas, vu l'insolente santé de la BMAO d'aujourd'hui, l'ancien propriètaire, la BNDE, doit se demander si son chek up fait de la situation réelle de son joyau était conforme. De quoi nourrir bien des remords.