Un quartier résidentiel de milliers d'appartements, conçu dans le cadre de l'éradication des bidonvilles et de l'habitat insalubre au début des années 90, sur la route dite de Tit Mellil. Anarchie et délinquance sont les maîtres mots. Un univers à part. De passage, tout paraît normal. Des constructions modernes, blanchis, avec des antennes paraboliques sur les toits et du linge dans les balcons. Le premier carrefour franchi, à gauche venant de Hay Mohammadi ou de Sidi Moumen, le spectacle se métamorphose. A l'entrée, un grand souk anarchique où s'entremêlent odeurs nauséabondes de poissons et de fruits pourris à celle de nombreux amoncellements de détritus et de crottin de cheval. Des nuages de mouches qui ont l'air d'avoir trouvé l'environnement idéal pour installer leur quartier général. Une fois sorti de l'enclave des marchands crieurs et polluants, l'on se retrouve devant des blocs d'appartements baptisés «tranches». Le meurtre qui a eu lieu il y a quelques jours dans le secteur paraît ne choquer personne. C'était prévisible disent certains habitants. La ruelle qui sépare la tranche 9 et la tranche 15 débouche sur un petit amas de baraque, pris aussi pour un petit souk, comme si la pagaille sus-citée ne suffisait pas. En fait, il s'agit d'une quinzaine de baraques qui servent d'abri aux délinquants plutôt qu'être un marché. Le pire, c'est que les délinquants en question sont issus du quartier lui-même et ne viennent pas d'ailleurs. Pas de repos, ni de répit pour les habitants de ce quartier qui rentrent le soir en quête d'un peu de repos pour se retrouver en face de nombreux problèmes. «Dès 17 heures, les marginaux commencent à sortir de cette ruelle. Complètement souls et drogués, ils interdisent le passage et agressent les gens, sûrs de l'impunité. La police ne peut pas s'aventurer le soir dans cette zone, faute de moyens. Toujours est-il que les habitants du Lotissement Al Fadl, qui sont obligés de traverser Attacharouk pour atteindre leurs demeures, doivent rentrer chez eux avant la tombée de la nuit. Même en voiture, ils risquent d'être attaqués.», confie un fonctionnaire qui habite Al Fadl. Effectivement, l'éclairage est quasi inexistant dans certains recoins. L'idéal pour les malfrats. D'autant plus que quelques mètres devant, la tranche A (650 appartements) du programme d'habitat social Ben M'sick est en train de se construire. Les maçons et les ouvriers qui y travaillent font les cibles principales des délinquants du secteur. D'ailleurs, l'un d'entre eux vient d'être assassiné en début de semaine. Ce n'est qu'après le crime que les patrouilles de police se sont multipliées, mais pour combien de temps ? Bien sûr, cela va faire des vagues pendant quelques jours, mais l'actualité va vite, surtout avec cette période électorale… A l'est, ce sont d'immenses terrains vagues, alors que Douar Ahl Loughlam est à quelques centaines de mètres au nord. Là où a été retrouvé le cadavre du jeune clerc de notaire, exécuté par les membres du groupe Al Hijra wattakfir. Par ailleurs, l'état des immeubles reflète le niveau de compréhension de la vie en co-propriété de la part des habitants ex-bidonvillois. Visiblement, ils ont du mal à s'adapter. L'homme entre chez lui en laissant l'âne, l'attelage et le foin en bas de l'immeuble, dans une attitude des plus normales du monde. Ce sont les gens qui aspiraient à un peu plus de civilisation avant de venir s'établir dans le secteur qui souffre le plus. «Je dois accompagner ma femme quand elle va au travail, emmener mes enfants à l'école et aller les récupérer à la sortie. Je dois veiller tard la nuit pour qu'on ne me vole pas ma voiture. Parfois je me lève au milieu de la nuit pour jeter de temps en temps un coup d'œil à travers la fenêtre à cause du vacarme dû aux querelles des délinquants.», se lamente un habitant. Avec les grandes entreprises établissant leurs sièges dans les parages, et les habitations modernes, il faut un sérieux effort d'imagination pour se dire que le crime sévit à une centaine de mètres à côté. Au quartier Attacharouk , les procédures de communication chez les délinquants se résument à un coup de rasoir sur la joue, pour un oui ou pour un non. Quel avenir pour les générations futures dans cette zone incertaine ? Beaucoup de chefs de famille regrettent amèrement d'avoir acquis leurs appartements à Attacharouk et même à Al Fadl. Un univers de peur et d'incertitude auquel faut remédier, il s'agit tout de même de milliers d'honnêtes citoyens dont le seul péché a été le choix d'Attacharouk.