En deux mois, les cadavres de deux filles ont été découverts à Casablanca, découpés et éparpillés dans les rues. Les enquêteurs tentent d'élucider le mystère. En vain. Le 13 août 2002, une fille vêtue probablement en noir se plante devant la demeure n°381, boulevard de la Grande Ceinture, Hay Mohammadi, frappe à la porte, appelle Laïla Rahimi. Cette dernière se débarrasse de la vaisselle qu'elle lavait et sort en compagnie de la fille en question. Personne ne savait sa destination. Seule la fille qui venait l'appeler était au courant. La nuit tombe. Laïla, collégienne de dix-huit ans, ne rentre pas chez elle. Inquiets, ses parents commencent à la rechercher sans résultat. La famille Rahimi alerte la police. Un flot de questions commence à hanter l'esprit de ses parents et ses sœurs, surtout la mystérieuse fille : Qui est cette fille qui l'a appelée ? Ils ne l'ont pas reconnue bien qu'ils connaissent presque toutes les amies de Laïla. Le deuxième jour passe et Laïla ne donne toujours pas de signe de vie. Le troisième jour, jeudi 15 août, des passants se rendent compte d'un sachet en plastique suspect, jeté dans un coin au boulevard Abdelkader Essahraoui, près de la résidence Fadi, projet Diour El Hanate, préfecture de Ben M'sik-Médiouna. Il s'ent approchent. La découverte est macabre. Des ossements d'un être humain. La police est alertée pour que les recherches commencent sur le champ avec le soutien de la brigade cynophile. Quatre autres sachets renfermant les autres parties d'un cadavre ont été retrouvés éparpillés tout au long du boulevard précité. La famille Rahimi est appelée par la police pour voir ce corps découpé en dix-sept morceaux à la morgue. Horrible surprise. Il s'agit bel et bien du cadavre de Laïla Rahimi. Qui l'a tuée et l'a découpée en morceaux avant de les balancer dans la rue ? Pour quelles raisons? Les services de la sûreté affirment, quelques jours plus tard, qu'il s'agit d'un crime passionnel. Comment en sont-ils arrivés à cette conclusion? «…C'est pour mettre fin aux rumeurs surtout avec ces meurtres perpétrés par les membres de Hijra Wa Takfir…» répond une source policière qui préfère garder l'anonymat. Les investigations se poursuivent. Et en attendant d'arriver à une piste précise pour élucider cette affaire, la police s'est réveillée, lundi 9 septembre, sur une autre découverte macabre :la partie inférieure du cadavre d'une personne de sexe féminin enveloppé dans un sachet en plastique noir et jeté juste à côté d'un arbre de la rue Libourne, quartier La Gironde, préfecture de Derb Soltan-El Fida, Casablanca. Pas moins d'une heure plus tard et avec la participation de la brigade cynophile de la Gendarmerie Royale, les enquêteurs arrivent à localiser la partie supérieure du cadavre renfermée dans un sachet en plastique blanc et jeté à la rue Hammad Erraouiya, près du jardin Murdoch. Mais la tête reste toujours introuvable. Qui est cette fille ? Qui l'a tuée et pourquoi ? Aucune des deux affaires n'a été élucidée. Une source proche des enquêteurs affirme que «…Jusqu'à aujourd'hui, toutes les hypothèses sont possibles…». Les enquêteurs ont interrogé jusqu'à aujourd'hui tous les amis et les proches de Laïla. Jusqu'à ce jour, ils ne sont pas arrivés à identifier la fille qui l'avait appelée et l'a emmenée à la guillotine. «Peut-être que les indicateurs étaient en sommeil quand elle est arrivée pour l'appeler…», rapporte un policier sur un ton d'humour. Alors que pour le deuxième cadavre, la police n'arrive même pas à l'identifier. Elle attend encore le résultat de l'analyse des empreintes digitales, apprend-on d'une source policière. Mais après l'identification ? Laïla Rahimi a été identifiée dès la découverte de son cadavre, quel a été le résultat ? «Les empreintes digitales nous permettent seulement d'identifier la victime…Mais cette identification ne peut avoir lieu que si la victime avait établi sa carte d'identité nationale ou que sa famille a déjà déclaré sa disparition ou encore si elle a été déjà arrêtée par la police…Sinon on ne peut pas l'identifier…», précise un responsable de la PJ. Une autre question se pose : Il se pourrait que le meurtrier laisse des traces de ses empreintes sur le cadavre, pourquoi ne les relève-t-on pas pour identifier l'auteur ? Le responsable de la PJ a souri comme si la question était déplacée et répond : «On ne dispose pas des moyens techniques pour effectuer ce genre d'analyses». Et il reprend : «…Pour relever les empreintes digitales on doit disposer de produits chimiques renfermés dans une petite mallette, qui coûtent presque 100 mille dirhams, et dont la durée d'usage ne dépasse pas une année et pour élucider seulement trois ou quatre affaires…» précise-t-il. «La majorité des affaires sont élucidées soit après le recours aux témoignages de plusieurs personnes soit à l'aide des indicateurs…Il n'y a pas d'autre solution…», affirme un commissaire de police. «…Parfois, seul le hasard joue son rôle pour tirer une affaire au clair…Car on ne dispose pas de moyens techniques modernes pour les élucider…», ajoute-t-il. «Il y a deux ans, une femme a égorgé son amie à Salé, l'a découpée en morceaux et a jeté une partie de son cadavre à Chellah, une autre partie dans Bou Regreg et elle a enterré la tête dans un troisième lieu dont je ne me souviens plus… N'était une de ses voisines qui a vu toute la scène depuis sa fenêtre et s'est dépêchée chez la police pour l'alerter, crois-moi, la police n'aurait jamais réussi à éclaircir cette affaire…», précise notre interlocuteur. Ce dernier ajoute que : «Ceci étant, il ne faut pas croire que si on dispose de ces moyens, toutes les affaires criminelles seraient élucidés…Non, mais au moins le nombre des affaires judiciaires classées aurait nettement baissé…». Les affaires non élucidées sont là et d'un jour à l'autre les preuves permettant d'arriver à l'auteur du crime se détruisent et les pistes des investigations se brouillent. Il ne reste que les indicateurs qui semblent être dans les ténèbres d'un sommeil profond.