Des milliers de retraités peuvent désormais s'installer au Royaume en préservant leurs acquis sociaux C'est une grande injustice réparée par la France envers Lakbira, Zohra, El Mustapha et Mohamed. Ces Marocaines et Marocains, âgés aujourd'hui entre 70 et 90 ans, font partie de la première génération d'immigrés ayant participé à la reconstruction de la France d'après-guerre durant les 30 glorieuses. N'ayant pas la nationalité française, de nombreux «chibanis», comme ils sont communément appelés en Hexagone, voulaient rentrer au «Bled» finir leurs jours parmi les leurs. Mais ce rêve aussi simple soit-il pour cette catégorie vulnérable était jusqu'au premier janvier 2016 impossible à réaliser. En effet, les autorités françaises obligeaient les «chibanis» à rester en France au moins la moitié de l'année pour continuer à bénéficier de leurs droits sociaux à un moment où leurs compères français avaient la possibilité de s'installer librement au Maroc. Grâce aux efforts déployés par les autorités marocaines, la situation vient de changer. Une grande victoire pour les «chibanis» Une victoire qui est le résultat direct des efforts et des actions menés par le Maroc. Gouvernement et Parlement marocains ont milité depuis de longs mois pour améliorer la situation de ces retraités. «En octobre 2015, les autorités françaises ont pris l'initiative de publier un décret visant à faciliter les mouvements entre la France et les pays d'origine de 35.000 immigrés âgés, vivant dans les foyers d'immigrés retraités et voulant s'installer définitivement dans leurs pays d'origine», a affirmé Anis Birou, ministre délégué chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration. Lobbying marocain Si les retraités maghrébins ne sont plus obligés de s'entasser plusieurs mois dans des foyers sociaux, c'est en raison de la publication par le gouvernement de Manuel Valls d'un décret remettant à plat la procédure jusqu'ici appliquée pour traiter les dossiers. Le texte en question a été publié en octobre, soit quelques mois seulement après la tenue en mai 2015 de la 12e réunion de haut niveau entre les gouvernements marocain et français. Les parlementaires marocains ont également joué un rôle important. Nezha El Ouafi, députée parlementaire à la Chambre des représentants et membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en a fait son cheval de bataille. «Cette catégorie d'immigrés marocains vivait dans des conditions très difficiles loin de leurs familles en France. De nombreux «chibanis» sont atteints de maladies chroniques et il était grand temps de défendre leurs cas», explique El Ouafi. Cette dernière a multiplié les actions à travers des questions adressées aux responsables français. «J'ai transmis également au chef de gouvernement, M. Abdel-Ilah Benkiran, un dossier complet sur la situation et les revendications des retraités marocains», ajoute-t-elle. Les efforts côté marocain ont donc fini par débloquer la situation côté français. Mode d'emploi Les «chibanis» marocains auront ainsi la possibilité d'effectuer les demandes pour bénéficier de leurs droits à partir du Royaume. Le gouvernement français a mis en place une indemnité spéciale pour cette catégorie. Il s'agit de l'ARFS (Aide à la réinsertion familiale et sociale). Cette dernière doit permettre, selon le décret français, «aux retraités étrangers, disposant de faibles ressources et qui résident seuls en résidence sociale ou en foyers de travailleurs migrants, d'effectuer des séjours de longue durée dans leurs pays d'origine pour y réaliser un rapprochement familial». Le montant de l'aide est limité à 550 euros par mois. Des conditions sont prévues par les autorités françaises. Les retraités doivent être âgés de plus de 65 ans et être en situation régulière, c'est-à-dire résider en France depuis au moins 15 ans. Ce dispositif est limité aux personnes ayant un revenu inférieur ou égal à 6.600 euros par an (550 euros nets par mois). A noter enfin que le combat en faveur de cette catégorie est loin d'être terminé. De nouvelles négociations doivent s'ouvrir très bientôt entre le Maroc et la France. El Ouafi évoque déjà une nouvelle revendication qui se pose aujourd'hui avec acuité. «Certains chibanis mariés ne peuvent pas recevoir en France leurs épouses qui se voient refuser le visa par les consulats. Je pense qu'un regroupement familial doit être mis en place par les autorités françaises en faveur de ces personnes», conclut-elle.