Mohamed Louma est général du syndicat national de la production et de la distribution artistique. Il nous livre ses craintes sur l'avenir du secteur. ALM : Dans l'édition du lundi 2 septembre, le bulletin officiel a publié le texte portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle au Maroc, mettant un terme au monopole de l'Etat sur le secteur, quel est votre sentiment à ce sujet ? Mohamed Louma : C'est un texte qui nous tombe du ciel. Ni le Centre Cinématographique Marocain, ni le Bureau Marocain des Droits d'Auteurs (BMDA), ni les Syndicats des producteurs et distributeurs n'ont été consultés. Les personnes qui l'ont élaboré nous sont inconnues. Il contient une disposition particulièrement dangereuse, celles des critères de sélection des membres de ce conseil, qui ne doivent pas être des gens de la profession. Alors là se situe notre crainte de voir siéger des technocrates, des administratifs ou des personnes qui n'ont exercé dans le monde artistique qu'à travers des chroniques. Il n'y a pas eu de concertation avec les professionnels, les syndicats ou les associations des corps de métiers, musiciens, compositeurs paroliers, interprètes… En dehors de la qualité des membres du Conseil, lesquelles de vos revendications demeurent toujours sans échos ? Pour un texte, que nous attendons depuis 20 ans, la manière avec laquelle il a été élaboré nous laisse sur notre faim. Le débat n'a pas été ouvert avec les professionnels. La situation est extrêmement délicate. Nombre de sociétés de production télévisée et cinématographique ne paient pas leurs droits. Elles utilisent du matériel et des caméras appartenant à l'Etat. De plus, il y a marginalisation de la production nationale au profit de la production étrangère. L'autre réalité c'est la concurrence déloyale inhérente au piratage. Il faut dire que nous ne disposons pas des chiffres des pertes des entreprises de production qui travaillent dans la légalité. Plus de 10 sociétés importent des K7 auditives et visuelles, des CD-Rom, et cet aspect aggraver leur situation, puisque certainement un réseau de commissionnaires autour des membres du Conseil va se constituer. Vous menez actuellement une campagne de lutte contre le piratage, dans les médias notamment.Que comptez-vous entreprendre en perspective ? Mardi dernier, nous avons tenu une réunion avec les principaux intervenants dans ce programme d'action. En l'occurrence, le ministère de la Culture, de la Justice, l'Administration des douanes, le Bureau Marocain des Droits d'Auteurs et les syndicats. La résolution prise est de continuer la campagne de sensibilisation. Par ailleurs, le texte constitutif portant statut de la commission est actuellement chez le Premier ministre. Selon notre vision des choses, les membres de la commission doivent être des permanents et l'ordre du jour clairement établi. A l'image de l'Association française de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), à la tête de laquelle se trouve un magistrat, qui peut donner des ordres à la gendarmerie. Concernant le moyen de financement, le Comité de prévention routière, peut être un exemple, comme l'attribution d'une certaine indemnité au personnel de la commission. Concrètement, sur le terrain, quelles sont les étapes suivies et les intervenants au cours d'une opération de «ratissage»? Lorsque nous arrivent des informations, nous alertons le procureur, ce dernier soit ouvre une instruction, soit décide de l'intervention rapide des forces de l'ordre. Des huissiers nous accompagnent pour constater le délit. Toutefois, généralement ils ignorent les procédures en matière de production artistique. La commission doit en simplifier la procédure. Une fois le jugement prononcé, son exécution se fait attendre. Exemple : « Aouaiil » à Fès est la tête de la vipère, près de 10 travaux piratés, de même que le logo de BMDA. Rien qu'à Casablanca, on compte 35 prévenus à la préfecture Derb Sultan-El Fida. Il reste que même si le flagrant délit est constaté, l'exécution demeure lente.