Le Maroc a développé un tissu industriel pharmaceutique performant qui le distingue des pays de même niveau de développement. Elle est même considérée comme deuxième industrie d'Afrique après l'Afrique du Sud. Avec 23 unités industrielles, le secteur arrive à couvrir l'essentiel des besoins des Marocains en médicaments tout en réalisant un chiffre d'affaires annuel de plus de 4 milliards de dirhams. Plus encore, cette industrie contribue à hauteur de 1 à 2% du PIB et se trouve à l'origine de plus de 4.000 emplois directs, dont 22% de cadres, et près de 20.000 emplois induits. Elle a bénéficié du concours et de l'appui constant de l'Etat. De sorte que l'industrie pharmaceutique marocaine est l'une des rares à avoir accompli sa mise à niveau et se retrouve en état de relever les enjeux nationaux de santé pour ce qui concerne son domaine de compétences. Parmi ces enjeux, figurent deux points essentiels. Le premier a trait à la réalisation des objectifs nationaux d'autosuffisance. Le second est lié au Code de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) qui attend ses textes réglementaires d'application pour entrer en vigueur. Or, sur ce plan, les pouvoirs publics semblent réticents à s'aventurer en terrain inconnu tant qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment les perspectives, principalement financières, du système. Cela se comprend d'autant plus aisément que la plupart des systèmes de santé de par le monde se trouvent confrontés à des difficultés de ce genre. Or, sur ce registre, la prise en charge des traitements thérapeutiques et le remboursement des médicaments représentent un aspect non négligeable de la question. Et l'industrie pharmaceutique nationale est interpellée pour contribuer à trouver les solutions opportunes. Elle est concernée en premier chef au vu de la stagnation de la croissance que connaît le secteur depuis 1995, après avoir été de 13% entre 1980 et cette date. Elle est concernée en second lieu pour justifier les importants investissements que le secteur consent et qui se montent à près de 300 millions de dirhams annuellement. Regroupées au sein de l'Association Marocaine de l'Industrie Pharmaceutique (AMIP), la plupart des industries de fabrication de médicaments, qu'elles soient nationales ou commettants de multinationales, sont conscientes de ces enjeux. La dynamique des investissements exprime à elle seule la confiance que ces industries placent dans l'avenir du secteur. Toutefois, l'AMIP semble s'être engagée depuis quelques temps dans une démarche contraire à ce processus. En témoigne l'évolution des rapports qu'elle a tissés avec son homologue française, le LEEM. Jusque-là équilibrés et profitables pour les deux parties, ces rapports connaissent depuis peu un certain dérapage qui ne correspond pas aux intérêts de notre industrie. Que le LEEM adresse à l'AMIP un courrier qui lui suggère d'approuver un projet de texte dûment rédigé par ses propres soins et qui plus est, relatif à la fabrication locale de médicaments, cela ne manque pas en effet de surprendre les observateurs avertis. Que ce projet de texte avance comme argument que « … nos adhérents (du LEEM) estiment que les décisions de productions locales (au Maroc) prises lors du processus d'enregistrement limitent parfois leur accès au marché (marocain) par leur caractère systématique, ne tenant pas toujours compte des réalités industrielles et économiques de production et de qualité. », cela ne manque pas de soulever énormément d'interrogations soulignent-ils. Et d'aucuns parlent même de «dérive allant à l'encontre des perspectives que tentent de tracer les pouvoirs publics dans l'objectif de la politique de la santé pour tous».