La 20ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tient du 1er au 9 octobre, a été l'occasion de découvrir le développement qu'a connu le cinéma marocain, tant sur le plan créatif qu'industriel. Le phénomène est plutôt incroyable, mais il n'en est pas moins réel. Parler du cinéma marocain relevait plus du drame, dans le sens cinématographique, que des sagas. Pourtant, les choses ont bien changé. Depuis plus d'une décennie. Et ce qui était auparavant qualifié d'inertie, sur laquelle on chantait des litanies, s'est mué sans préavis en dynamisme, suscitant louanges et admiration. Si la 20ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tient du 1er au 9 octobre à Tunis, a servi à quelque chose, côté marocain, c'est bien à une prise de conscience générale, quant au développement qu'a connu le cinéma marocain, tant sur le plan créatif qu'industriel. Même si, à l'heure où nous mettions sous presse, il n'est pas encore question de prix ou de distinctions pour les deux longs métrages marocains figurant dans la compétition officielle de ce festival, à savoir «La chambre noire» de Hassan Benjelloun et «A Casablanca, les anges ne volent pas» de Mohamed Asli, le cinéma marocain n'en a pas moins volé la vedette. «Carthage 2004 est marqué par l'exemplarité du studio marocain qui produit, possède des laboratoires, et dans lequel le Centre du cinéma marocain joue un rôle déterminant dans l'aide au financement des projets», écrit le journal algérien ”La Tribune” dans son édition du 4 octobre. Et le quotidien de relater que, depuis le début des années 1990, les professionnels marocains produisent 10 longs métrages par an contre 1 à 3 dans les années 1970-1980. Devant ce dynamisme, le cinéaste algérien Ahmed Rachedi, présent à Tunis, n'a pas caché son étonnement : «Ils travaillent, sortent une production régulière pendant que nous bricolons en se coupant les cheveux en quatre». Malgré la concurrence tunisienne, le Maroc est également le pays maghrébin qui tire le mieux aujourd'hui son épingle du jeu financièrement. Si le cinéma algérien, étatisé avant d'être abandonné par l'État, ne survit plus que grâce à ses réalisateurs installés en France, le cinéma marocain bénéficie, depuis 1997, d'un fonds de soutien alimenté pour 5 % des recettes publicitaires de la télévision. Un élément sur lequel insiste ”Jeune Afrique l'Intelligent” dans sa dernière livraison, précisant que le Maroc s'inspire en cela des modèles français et espagnol, qui financent leur activité cinématographique par des taxes télévisuelles. Le dispositif tunisien en la matière reste budgétisé et «plafonné», alors que le fonds «ouvert» marocain a permis une multiplication du nombre de films produits par trois et la révélation de nouveaux talents comme Fawzi Ben Saïdi, Nabil Ayouch ou Narjiss Nejjar, qui ont pris la relève, «en étant à leur tour sélectionnés à Cannes ces deux dernières années». La chaîne 2M est également citée en exemple pour avoir coproduit plusieurs films tunisiens. On parle même d'un retard que la Tunisie essaye de rattraper au niveau de l'accueil du tournage de films étrangers. Exemple en est l'expérience du producteur tunisien Tarak Ben Ammar qui a créé près de Hammamet les Studios Empire et s'est vu concéder par l'État tunisien la rénovation du laboratoire cinématographique de Gammarth, qui va proposer les prestations cinéma et vidéo pour le tournage de films étrangers. Les dernières grandes productions tournées en Tunisie ont été ”Le Patient anglais” en 1996 et ”Star Wars” en 2000. Mais la part du lion revient au Maroc en la matière. Pourvu que ça dure.