À la faveur du démantèlement d'un réseau de la Salafia Jihadia, les pouvoirs publics marocains ont pris soudainement conscience de l'ampleur du vide laissé dans les quartiers périphériques et du danger que cela représente pour la sécurité des citoyens. C'est à Tanger que Youssef Fikri et ses acolytes furent arrêtés. Surpris par une patrouille de la police judiciaire alors qu'ils s'apprêtaient dans la nuit du 12 juillet à s'enfuir après avoir grièvement agressé un chauffeur de taxi. Les accusés auraient pu faire avaler à leurs interlocuteurs la version d'un délit ordinaire: des voleurs qui s'en prennent à un individu pour le soulager de son argent. Mais les enquêteurs ont flairé tout de suite une affaire plus grave, qui dépasse de loin un simple fait divers. C'est ce qui a permis de découvrir le véritable visage de la bande à Fikri : une nébuleuse qui, faisant assaut d'obscurantisme, sévit dans l'ombre en enlevant ses semblables avant des les égorger comme des moutons. Un réseau issu de la salafia jihadia dont les membres marchent dans les voies souillées de sang au nom d'une interprétation rigoriste de la religion. La salafia jihadia est un mouvement islamiste violent implanté chez une frange d'une jeunesse marginale et frustrée. D'ailleurs, les adeptes, mi-voyous et mi-moralisateurs, sont tous issus de quartiers périphériques des grandes villes du Maroc, où sévissent en permanence la misère et le chômage. C'est sur ce terreau qu'a prospéré cette forme de l'islamisme radical, jusqu'ici inconnue au Maroc. Ces espèces de taliban à la marocaine dont certains ont fait le voyage d'Afghanistan ont d'autant plus agi à l'abri des regards que les ghettos où ils vivent sont désertés par les services de sécurité. L'absence ici des forces de l'ordre, moins en tant que facteur de répression que de dissuasion, était de nature à favoriser toutes les formes de délinquance et de déviances sociales. À la faveur du démantèlement du réseau de la salafia Jihadia, les pouvoirs publics ont pris soudainement conscience de l'ampleur du vide dans ces territoires abandonnés et du danger que cela représente pour la sécurité des citoyens. En accord avec sa hiérarchie, le patron de la police à Tanger, Abdelaziz Izzou, a pris les devants bien avant en investissant les quartiers défavorisés de la ville (Houmat Chouk, Masnana et Tanja Al Balia). Sans aucune présence policière jusqu'ici, ces quartiers sont dotés chacun aujourd'hui de leur propre arrondissement. Et dans la foulée, il fut procédé à la création de pas moins de 9 postes de police un peu partout à travers la ville. Quant au commissariat central, il est en train d'être complètement rénové : façade en marbre, construction d'une nouvelle annexe, projet d'informatisation des services… Pour répandre le sentiment de sécurité parmi la population, la décision fut prise de faire sortir le personnel policier des bureaux en le redéployant sur le terrain. On a vu ainsi pendant cet été de jeunes policiers circuler à pied dans les différents coins de Tanger dans une démarche dissuasive de la délinquance. “ Grâce à cette méthode, les plaintes auprès de la police locale ont diminué de manière très significative“, explique un commissaire, la mine réjouie. Le ministère de l'Intérieur a décidé de généraliser cette expérience à l'ensemble du Royaume par le redéploiement de quelque 15.000 policiers. S'il était temps de mettre en place une police de proximité, il convient de signaler que cette seule approche n'est pas suffisante. Pour que l'action policière soit efficace dans les quartiers difficiles, elle doit pouvoir être accompagnée de mesures socio-économiques en faveur des populations défavorisées. C'est le seul antidote à tous les extrémismes. Avec les élections de septembre, les politiques sont plus que jamais interpellés.