Ankara s'est de nouveau montrée, mercredi, opposée à toute opération militaire contre l'Irak qui pourrait déstabiliser son pays. Baghdad continue de son côté d'affirmer qu'il n'a pas peur. En exhortant les deux parties, américaine et irakienne, à s'engager sur une voie pacifique, la Turquie a encore une fois signifié mercredi qu'elle craignait qu'une opération militaire contre Baghdad ne fasse monter la tension à l'intérieur de ses frontières. «Toutes les possibilités n'ont pas été épuisées pour résoudre pacifiquement la dispute avec l'Irak», a estimé un porte-parole du ministère turc des affaire étrangères, Yusuf Buluc. Selon lui, Baghdad peut encore – et Ankara l'y exhorte depuis plusieurs mois - se conformer aux résolutions de l'ONU et donc autoriser le retour des inspecteurs en désarmement. «Nous pensons que nos initiatives auront une influence sur la direction irakienne et que notre voisin fera ce qui est nécessaire pour être un membre respecté de la communauté internationale», a déclaré M. Buluc. La Turquie, alliée de l'OTAN, redoute avant tout les conséquences économiques et politiques qu'une telle opération pourrait avoir sur le pays. Si la question kurde fait partie entière des préoccupations, les craintes des autorités turques concernent aussi la crise politique actuelle. Son Parlement discute depuis lundi d'une date pour les prochaines élections législatives anticipées. Selon la presse turque de mercredi, la probabilité d'une intervention militaire avancée par Washington pourrait obliger Ankara à annuler ces élections, un article de la Constitution stipulant que tout scrutin doit être repoussé d'une année en cas de guerre. Opposé à l'avancée de ces élections, le premier ministre Bulent Ecevit avait déclaré dans une interview télévisée mardi soir que son pays tentait de dissuader l'administration Bush de mener une telle opération. Selon la presse nationale, notamment le quotidien Milliyet, Washington aurait cependant récemment -lors de la visite d'un de ses secrétaires adjoints à la défense- demandé à Ankara l'autorisation de déployer des troupes sur le sol turc et d'utiliser des bases. Ce que le porte-parole du ministère des affaires étrangères a démenti mercredi, tout comme l'existence actuelle d'un plan d'attaque américain. Baghdad reste pourtant convaincu que l'administration Bush prépare activement sa stratégie. Le ministre irakien du commerce, Mohamed Mehdi Saleh, a d'ailleurs à son tour affirmé mercredi que son pays résisterait à toute offensive militaire américaine. «Les Etats-unis seront battus et chassés de la région s'ils attaquent l'Irak», a répété le ministre, précisant qu'une telle opération marquerait «la fin des Etats-Unis dans la région». Mardi, le président de la commission des affaires étrangères du Sénat américain Joseph Biden avait expliqué qu'une offensive contre l'Irak était peu probable avant le début de l'année prochaine. Il devait d'ailleurs en discuter lors d'une audition de la commission prévue mercredi et jeudi. En Europe, les dirigeants -Anglais exceptées -continuaient eux d'afficher leur réticence. En marge du sommet franco-allemand qu'il tenait avec le chancelier Gerhard Schröder, le président Jacques Chirac n'avait-t-il pas estimé mardi qu'une attaque contre l'Irak «ne pourrait, le cas échéant, être justifiée que si elle était décidée par le Conseil de sécurité» de l'ONU ? Et le chef d'Etat français d'ajouter que «l'Irak serait bien inspiré de comprendre la nécessité dans laquelle il est de trouver un accord très très vite avec le secrétaire général de l'ONU».