Hassan Chami, président de la CGEM, a adressé au Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, une lettre datée du 24 juin 2002 au nom de la Fédération des industriels de la mer dans laquelle il s'interroge sur les véritables objectifs du ministère des Pêches. La Fédération des industriels de la mer a l'honneur de venir par la présente solliciter votre intervention en vue de sauver le secteur d'un drame prévisible et d'éviter de replonger dans le cycle infernal de la surexploitation et de la dilapidation des ressources halieutiques, avec comme corollaire la fermeture de la pêche et de la mise en chômage de l'ensemble des intervenants dans le secteur. Comme vous le savez Monsieur le Premier ministre, le non renouvellement de l'accord de pêche avec l'Union Européenne était essentiellement justifié par la situation de surexploitation des ressources halieutiques nationales. Cela s'était traduit par une détérioration biologique et économique notable des stocks halieutiques et une dégradation profonde de la situation financière des entreprises marocaines exploitantes qui nécessitent un redressement de longue durée. Sur le plan biologique, les ressources encouraient un grave danger de dilapidation en raison du nombre élevé de navires opérant dans les zones maritimes marocaines. Sur le plan économique, les entreprises de pêche face à la raréfaction des ressources, ont été obligées de procéder à des restructurations financières matérialisées par de nouveaux apports de fonds propres, la consolidation des impayés et le rééchelonnement de leurs dettes. Toutefois, certaines d'entre elles n'ont pu échapper au dépôt de bilan. Face à cette situation alarmante de surexploitation, des mesures draconiennes ont été prises dont notamment : • un gel des investissements décrété en 1992 pour éviter une augmentation de l'effort de pêche ; • le prolongement des arrêts de pêche et finalement, • le non renouvellement de l'accord de pêche avec l'Union Européenne. Il s'avère dès lors légitime, d'établir un diagnostic scientifique de l'état des ressources halieutiques par l'Institut National des Recherches Halieutiques, en collaboration avec les professionnels, lequel servira de base à l'élaboration de plans d'aménagement par pêcherie. Actuellement, seule la pêche aux poulpes a fait l'objet d'un plan de gestion établi dès 2001 en raison de l'urgence que revêt l'organisation de cette pêcherie largement surexploitée. Dans ce cadre, des quotas de production limités ont été fixés par segment de pêcherie et le gel des investissements a été reconduit jusqu'au terme dudit plan en 2004. La mise en œuvre du plan d'aménagement s'est traduite par ailleurs par un rétrécissement de la durée d'activité de la pêche qui a atteint seulement cinq mois sur douze en 2001 pour les 100.000 employés directs de ce secteur qui voient leur avenir affecté de nouvelles incertitudes. Le poids de ces contraintes justifiées par la politique rigoureuse de sauvegarde des ressources a été malgré tout, accepté par les opérateurs, conscients de la nécessité de la préservation des stocks halieutiques. Or, Monsieur le ministre des Pêches maritimes, arguant d'instructions royales, vient de donner un accord de principe pour l'octroi de nouvelles licences de pêche précisément dans cette pêcherie. Cette décision est en totale contradiction avec toute la politique de sauvegarde et de préservation des stocks halieutiques minutieusement mise en place. Elle enfreint en outre, les dispositions du plan d'aménagement établi et signé par le ministre lui-même et qui réaffirment le principe de ne pas augmenter l'effort de pêche. De même qu'elle transgresse les recommandations récentes adoptées par le Conseil National de Sauvegarde des Ressources rappelant la nécessité de maintenir le gel des investissements compte tenu de l'état précaire des ressources. De surcroît, elle met le Maroc en «porte à faux» vis-à-vis de son partenaire européen, auquel le renouvellement de l'accord de pêche a été refusé pour des raisons de préservation des ressources halieutiques. Pourtant, les enjeux du secteur des pêches maritimes sont importants: un chiffre d'affaires à l'export de plus d'un milliard de dollars, un volume de 500.000 emplois directs et des investissements en infrastructures et structures d'accueil et de valorisation, de plusieurs milliards de dollars US. Aussi, l'intervention de Monsieur le Premier ministre est-elle sollicitée en vue d'une part, de faire respecter les dispositions du plan d'aménagement de la pêcherie poulpière en annulant l'accord de principe donné pour les licences de pêche aux poulpes et d'autre part, de surseoir à toute délivrance de nouvelles licences de pêche dans les autres pêcheries tant que leur plan d'aménagement n'a pas été encore élaboré. Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de notre très haute considération. • Hassan Chami Président de la CGEM