Le raid de l'armée israélienne contre la Syrie, le premier depuis plus de deux décennies, constitue une grave escalade de la situation au Proche-Orient. Il signifie qu'Israël, parrainé par les Etats-Unis, tente de changer la carte de la région pour s'en assurer le monopole. L'attaque perpétrée hier par l'armée israélienne contre un camp de réfugiés palestiniens situé dans la région de Aïn Saheb, à une vingtaine de km au nord-ouest de la capitale syrienne, Damas, aggravera sans doute la tension dans la région et pourrait enterrer définitivement tout espoir de paix entre Syriens et Israéliens. L'agression, qui a eu lieu dans la nuit du samedi à dimanche, a été présentée par l'armée israélienne comme un droit légitime malgré la flagrance de sa violation du droit international. "Les Forces de défense d'Israël ont opéré la nuit dernière profondément en territoire syrien et frappé une base d'entraînement utilisée par des groupes terroristes, dont le Djihad islamique", a précisé l'état-major israélien dans son communiqué diffusé dimanche matin. L'Etat hébreu a tenté ainsi de justifier cette agression par l'existence d'un prétendu camp d'entraînement du Jihad Islamique. Or, une source palestinienne à Beyrouth a affirmé que le raid israélien a visé "un camp d'entraînement abandonné" du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et qui n'a jamais été utilisé par le mouvement du Jihad Islamique. "Le raid mené par l'aviation israélienne dans la nuit de samedi à dimanche contre des objectifs palestiniens en Syrie a fait plusieurs blessés civils", a indiqué le porte-parole au Liban du FPLP, Abou Rouchdi. "L'aviation israélienne a frappé un de nos anciens camps d'entraînement, qui a été évacué, il y a plus d'un an, et où nous avons logé par la suite des familles de réfugiés palestiniens résidant en Syrie", a-t-il précisé avant de rajouter que "les avions israéliens ont effectué un seul passage et ont tiré quatre missiles sol-airs qui ont fait plusieurs blessés et des dégâts importants". Commentant l'attaque de l'armée israélienne contre la Syrie, le porte-parole du Premier ministre hébreu, Ariel Sharon, a indiqué qu'il s'agit d'un "avertissement pour faire comprendre que tous ceux qui "soutiennent le terrorisme ne bénéficient plus d'aucune immunité quel que soit l'endroit où ils se trouvent". Le porte-parole de Sharon a aussi menacé d'entreprendre de nouvelles attaques en Syrie. De son côté, la Syrie a affirmé dimanche que le raid lancé par Israël dans la nuit de samedi à dimanche "à l'intérieur du territoire" syrien avait visé "une zone civile", et l'a qualifié de "grave escalade". "L'armée de l'air israélienne a lancé une attaque aux missiles contre une zone civile à l'intérieur du territoire syrien, dans le village d'Aïn As-Saheb, qui a causé des dégâts matériels", précise une lettre adressée par le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk Charaä au Secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan. Il s'agit d'"une violation flagrante du droit international et d'une nouvelle et grave escalade", ajoute le chef de la diplomatie syrienne qui a demandé la tenue d'"une réunion immédiate du Conseil de sécurité de l'ONU". Qualifiant le gouvernement israélien d'Ariel Sharon de "gouvernement de guerre", Charaä a précisé dans son message à Annan que "la Syrie a fait preuve d'une extrême retenue" pour ne pas riposter à l'attaque israélienne, mais, elle est à même de "créer un équilibre des forces dissuasif, qui résiste et qui contraigne Israël à revoir ses calculs". La Syrie estime que le Conseil de sécurité de l'Onu dont elle est membre non permanent, constitue "le cadre adéquat pour faire face à ce développement dangereux, le condamner et empêcher qu'il ne se reproduise, car il menace la sécurité régionale et internationale", poursuit le message. Par ailleurs, les réactions de la communauté internationale se sont multipliées hier suite au raid israélien contre la Syrie le qualifiant de violation du droit international. "Israël a le droit de prendre des mesures pour se protéger contre des attentats terroristes, mais ces mesures doivent se trouver dans le cadre du droit international", a déclaré le ministère britannique des Affaires étrangères en réaction au raid israélien. "Nous avons déjà appelé et continuerons à appeler toutes les parties à la retenue", a déclaré un porte-parole du ministère. "La feuille de route offre une bonne base pour un règlement pacifique du conflit au Proche-Orient, mais tout acte de violence ne fait que rendre plus difficile le retour à ce processus", a-t-il expliqué. La même position a été adoptée par la France qui a condamné le raid israélien en affirmant qu'il constitue "une violation inacceptable du droit international et des règles de souveraineté". Dans un communiqué, la porte-parole adjointe du ministère français des Affaires étrangères, Cécile Pozzo di Borgo, a ajouté que "la lutte contre le terrorisme, dans laquelle la France est résolument engagée, doit s'exercer dans le respect du droit international". "La France lance un appel à la retenue afin que la raison l'emporte sur les risques d'escalade", a rajouté la porte-parole française. De son côté, le chancelier allemand, Gerhard Schroeder, en visite au Caire, a déclaré, lors d'une conférence commune avec le président égyptien Housni Moubarak, que le raid mené par Israël en Syrie "ne peut pas être accepté" relevant qu'il compliquait la situation au Proche-Orient. "Le fait de violer la souveraineté d'un troisième pays complique davantage le processus (de paix) et c'est pour cela qu'on ne peut pas accepter ce qui s'est passé en Syrie", a déclaré Schroeder. Le président égyptien a pour sa part condamné le raid israélien le qualifiant "d'agression contre un pays frère". Par ailleurs, la Ligue devait se réunir d'urgence hier soir pour débattre de "l'agression israélienne" contre la Syrie, a annoncé le secrétaire général adjoint de l'organisation Ahmed Ben Helli. Enfin, il y a lieu de se demander si cette condamnation unanime par la communauté internationale pourrait se traduire par l'adoption au sein du Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution contre l'agression israélienne sachant que les Etats-Unis ont toujours opposé leur droit de veto à toute résolution contre Israël.