Sur les 40 millions d'êtres humains atteints par le VIH, 28,5 millions sont Africains. Favorisée par le manque d'accès aux soins et les guerres, la progression du sida freine aussi le développement du continent. Dans son rapport publié le 2 juillet dernier, l'agence des Nations Unies chargée du programme sur le sida dans le monde (ONUSIDA) dresse un constat terrifiant : 68 millions de personnes mourront de cette maladie d'ici 2020. Actuellement en pleine progression, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) fait aujourd'hui cinq fois plus de ravages que ces 20 dernières années. Si le sida est évidemment un fléau qui sévit à l'échelle mondiale, ce rapport onusien montre qu'aujourd'hui l'Afrique est de loin la plus exposée. Pourquoi ? Tout d'abord parce que les pays du continent sont très peu dotés en matière d'accès aux médicaments. Seuls quelque 30.000 individus bénéficiaient d'un traitement anti-rétroviral fin 2001 sur les 28,5 millions infectés. A cette époque, on recensait déjà 2,2 millions d'Africains morts du sida. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la 14ème Conférence internationale sur le sida de Barcelone s'est ouverte dimanche dernier avec un appel à la mise à disposition des pays les plus pauvres de médicaments génériques, donc à faible coût. «Le monde a regardé sans rien faire le sida submerger l'Afrique sub-saharienne, plus jamais cela» avait alors lancé Peter Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA. Et d'ajouter : «le traitement est techniquement réalisable dans chaque partie du monde (...). Ce n'est pas la connaissance qui constitue une barrière, c'est la volonté politique». Pour preuve, depuis l'an 2000, le prix des traitements anti-rétroviraux a déjà baissé d'au moins 90 % en Afrique sous la pression des militants… Selon l'ONU, les femmes africaines ont par ailleurs deux à trois fois plus de risques de contracter la maladie que les hommes. Elles représentent en moyenne 58 % des porteurs du virus. Les guerres et tous les excès qui les accompagnent expliquent d'ailleurs largement ce chiffre. Chaque conflit laisse derrière lui des milliers de femmes, non seulement violées, mais aussi contaminées par le virus et souvent enceintes d'enfants qui, faute de soins, développeront à leur tour la maladie. En marge de la conférence espagnole, plusieurs ONG ont insisté sur cet aspect méconnu, à l'image de Save The Children. Les travaux de cette association, rendus publics mardi, montrent que sur 2.000 femmes violées au Rwanda en 1994, 80 % étaient séropositives. En Ouganda, où les forces rebelles ont abusé de milliers de femmes, le taux d'infection des soldats était de 27 %, trois fois plus que le taux moyen de l'Etat. Et l'ONG d'ajouter que sur « les 17 pays africains qui comptent le plus d'orphelins du sida, 13 sont en conflit ou au bord de l'affrontement». Et ce n'est pas fini: depuis Barcelone, Bernhard Schwartländer, directeur du département VIH/Sida de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué que certains pays africains risquaient de perdre le quart de leur main-d'œuvre à cause des ravages du sida d'ici 20 ans. Selon lui, dans sept pays du continent, 20 % des adultes sont aujourd'hui séropositifs. Au Botswana, au Lesotho, au Swaziland et au Zimbabwe, une personne sur trois aurait même contracté le virus VIH. Lors de son intervention, M. Schwartländer a expliqué que la perte de main-d'œuvre pourrait à terme toucher la croissance économique des pays les plus gravement atteints. Ces mêmes pays qui aujourd'hui n'ont pas les moyens de soigner leurs populations. Il est certain que, comme souligné par Sephen Lewis, chargé du dossier du sida en Afrique auprès de l'ONU, «pour le continent africain, cela pose une question de survie économique et sociale (…). C'est une question de vie et de mort».