Sur les 42 millions de personnes actuellement infectées par le virus du sida, plus de la moitié vit en Afrique. Un drame humain qui se répercute sur la vie économique et sur l'équilibre alimentaire du continent. Selon les chiffres publiés la semaine dernière par l'agence ONUsida, le VIH a déjà entraîné la mort de 3,1 millions d'êtres humains en 2002. Près de deux millions et demi d'entre eux vivaient en Afrique. Révélateur de la catastrophe en cours sur le continent, le nombre de personnes infectées par ce virus durant la même période, est de 3,5 millions, soit plus de la moitié des cinq millions d'adultes et d'enfants touchés de par le monde ! L'Afrique arrive d'ailleurs en tête de toutes les estimations sur le sida. Certes, l'Asie – en particulier la Chine – et la Russie inquiètent de plus en plus les experts qui y ont constaté une progression rapide du virus, mais en Afrique, le sida pourrait être responsable d'une grave crise alimentaire. Le schéma est simple : la mortalité qu'il provoque entraîne une baisse de la main-d'œuvre, notamment agricole. Laquelle provoque une baisse de la production et donc de l'offre. Une équation loin d'être exagérée lorsque l'on sait que certains pays africains possèdent 30 à 40 % de séropositifs... Et qu'en Afrique australe par exemple, 14 millions de personnes souffrent actuellement de pénurie alimentaire. « La réalité du sida est au cœur même de la famine. Les pires années de cette tragédie sont encore à venir » avait estimé mercredi Stephen Lewis, responsable de l'ONUsida pour la région Afrique. Selon l‘Organisation onusienne pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), sept millions de travailleurs agricoles ont déjà péri du sida depuis 1985 dans 25 pays africains. D'après elle, 16 millions d'autres sont menacés du même sort si les programmes de prévention ne sont pas rapidement améliorés. En zone « rouge » figure l'Afrique australe et ses 30 millions de séropositifs. Que faire face à cette catastrophe annoncée ? A défaut d'un vaccin salvateur, la généralisation de l'accès aux soins, notamment aux médicaments génériques, est l'option la plus prise en compte. Vendredi, un compromis à ce sujet a d'ailleurs été trouvé en Australie, lors d'une mini-réunion ministérielle de l'OMC. Les pays du Nord ont autorisé ceux du Sud à importer les médicaments génériques -à faible coût- produits par les pays dits «émergents», tout en interdisant que ces médicaments soient réexportés vers les pays riches. Les entreprises africaines ont de leur côté aussi pris conscience de l'intérêt de recourir à la prévention et aux soins médicaux. Cela « leur coûte dix fois moins que de perdre des employés qualifiés à cause du sida », notait samedi Mamoudou Diallo, conseiller de l'ONUsida pour la Côte d'Ivoire, pays qui connaît le taux de contamination le plus élevé d'Afrique de l'Ouest (entre 10 et 12 %) et où une douzaine d'entreprises ont déjà adopté de tels programmes à l'intention de leurs employés. En Afrique du Sud, la première économie du continent mais aussi le pays le plus affecté au monde (5 millions de cas de sida), l'industrie minière, qui emploie plus de 400.000 personnes, distribue aussi des médicaments à ses employés séropositifs. C'est d'ailleurs dans les secteurs économiques phares des différents pays que l'on retrouve ces initiatives : au Kenya, par exemple, ce sont dans les sociétés productrices de thé – deux millions d'employés – que les premières campagnes de prévention et de soins aux travailleurs sont apparues. Autant d'exemples qui montrent que le sida n'englobe plus la seule notion de perte de vies humaines, mais aussi celles de déséquilibres sociaux et économiques.