Taj-eddine El Husseini, professeur de Droit international et président du Forum 21 pour le dialogue et le développement, considère que l'Algérie est le pays qui recourt le plus à l'armement dans la région. ALM : Un rapport émanant de l'Institut des études stratégiques établi au Portugal sur les armées du Maghreb affirme que l'armée marocaine est la plus professionnelle et la plus efficace. Qu'en pensez-vous ? Taj-eddine El Husseini : Je crois fermement que les Forces armées royales (FAR) sont les mieux structurées et les plus professionnelles en raison des longues expériences qu'elles ont connues. D'abord contre le colonisateur, car il ne faut pas oublier que le noyau des FAR est constitué de l'Armée de Libération qui a combattu les forces coloniales française et espagnoles. Après l'indépendance, Feu Mohammed V et après lui Feu Hassan II tenaient, avant tout, à renforcer davantage l'armée marocaine pour qu'elle redevienne une armée forte comme dans le passé glorieux du Maroc notamment du temps des grands rois comme Moulay Ismaël qui disposait de l'armée la plus forte de la région et Moulay Hassan premier qui a été l'initiateur de l'industrie des armes au Maroc. En plus, il ne faut pas oublier que le Maroc était un empire, et son histoire a été marquée par de grandes guerres, notamment face aux pays occidentaux colonisateurs (Portugal et Espagne). Après l'indépendance donc, le Maroc était confronté à des défis extérieurs, à une guerre de frontières avec l'Algérie (guerre des sables), sans oublier les nombreuses participations de l'armée marocaine dans des missions de l'ONU, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. Les tombes des martyrs marocains tombés au Sinaï et au Golan dans les différentes guerres des pays arabes contre Israël témoignent de cette présence effective sur le terrain et d'une longue expérience comparativement aux armées des autres pays du Maghreb. Cette expérience a été acquise particulièrement au niveau des forces terrestres. Le même rapport fait état d'un processus de modernisation des armées et de l'armement amorcé dans la région. Dans quelles perspectives puisque la région est censée s'unifier dans le Grand Maghreb avec les principes de la mondialisation et le nouvel ordre mondial… ? C'est un nouveau phénomène que connaît le Maghreb arabe et qui risque de créer un déséquilibre au niveau des forces dans la région, compte tenu de la cadence avec laquelle va ce processus de développement de la technologie militaire. Dans ce sens, l'Algérie dispose d'un grand avantage, à savoir l'excédent des pétrodollars. Ce qui lui permet de s'octroyer un armement beaucoup plus sophistiqué que ses voisins, notamment le Maroc et la Tunisie. Ainsi, au fur et à mesure que les rentes augmentent, l'armement suit. On entend même que l'Algérie a développé un système de missiles et, selon des observateurs, d'un Institut Londonien ce processus englobe également l'armement nucléaire avec l'existence de deux réacteurs nucléaires dans ce pays. En quoi cela est-il si urgent puisque le problème du Sahara est sur le point d'être réglé et que l'Algérie ne court aucun danger extérieur ? Le régime algérien, de par sa nature, est doté d'une tendance «militaire». La guerre de libération de l'Algérie était la plus longue par rapport aux autres pays du Maghreb. D'ailleurs les Algériens sont toujours imbus de fierté de la guerre « d'un million de martyrs ». en plus, c'est l'établissement militaire qui s'est emparé du pouvoir et, par conséquent, s'est immiscé de facto dans la politique. Et lorsqu'un gouvernement est militaire, il est tout à fait logique que l'établissement renforce à l'extrême son côté défensif et par conséquent son arsenal. La guerre contre les islamistes n'a fait que concrétiser davantage cette tendance. Cependant, l'armement en Algérie ne concerne pas seulement le front intérieur. Depuis son indépendance, l'Algérie ne cesse de convoiter une place particulière dans le Maghreb arabe. Après le début du conflit du Sahara et la progression de la présence de l'armée marocaine en force, surtout à l'issue de la construction du fameux mur préventif, l'Algérie, poussée par sa politique de domination, a redoublé d'efforts pour un déséquilibre des forces dans la région en développant son arsenal, mais cette fois les efforts ont été axés sur l'armée de l'air. Après le règlement définitif de la question du Sahara et l'éventuel redéploiement des FAR cantonnées là-bas, pensez-vous que le budget militaire va être réduit ? La perspective du redéploiement des forces armées ne se pose pas pour la première fois puisque la même chose est arrivée à la Chine et aux pays qui constituaient l'ex-URSS. En principe ces armées seraient sollicitées pour contribuer au développement de leurs pays d'une façon ou d'une autre. En ce qui concerne notre pays, nous savons qu'un grand budget est consacré au Sahara. Il existe plusieurs chantiers et projets à accomplir dans le domaine du développement social. Avec un budget aussi colossal et près de 150 000 volontaires, soumis à une bonne planification et la participation de tous les acteurs nationaux, le résultat ne peut être que plus que probant. En tout cas, il est certain que si le problème est réglé avec l'Algérie le budget militaire sera considérablement réduit.