Vivendi Universal s'est littéralement effondré à la Bourse de Paris, semant la panique sur un marché en proie aux doutes sur la fiabilité des comptes et la solidité financière du deuxième groupe mondial de communication. Alors que la succession de Jean-Marie Messier à la tête du groupe n'est pas encore réglée, le titre a subi un véritable tir de barrage dès l'ouverture, en réaction au déclassement de sa dette par Moody's, lundi soir, au rang de "junk bond" (obligation pourrie). La valeur a ensuite encore creusé ses pertes à la mi-journée avec un article du journal Le Monde, révélant que le groupe avait tenté de manipuler ses résultats 2001, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, avec l'assentiment de ses cabinets d'audit. Selon le quotidien, le groupe a voulu intégrer l'impact positif de la monétisation de sa participation dans le bouquet britannique BSkyB mais s'est vu empêché de le faire après une intervention de la Commission des opérations de Bourse (Cob). En fin d'après-midi, le groupe a assuré avoir strictement appliqué les règles comptables concernant la cession de BSkyB. Vers 16h45, la valeur abandonnait environ 25%, autour de 18 euros, après avoir lâché jusqu'à 40,9% en tout début d'après-midi pour toucher un plus bas à 14,13 euros, perdant alors plus de 10 milliards d'euros de capitalisation boursière. Après celle d'Alcatel, qui avait abandonné 43,58% en cours de séance le 17 septembre 1998 avant de clôturer sur une baisse de 38,4% - cette chute constitue la deuxième plus forte baisse de l'histoire boursière récente sur la place de Paris. En proie à une profonde crise de confiance, miné par les doutes sur la croissance et la véracité des comptes des entreprises - après les affaires Enron et WorldCom les marchés se laissent vite gagner par la panique. "Les marchés sont déboussolés, quand il y a des valeurs qui paraissent peu visible. L'avenir immédiat de Vivendi n'est pas clair et dans l'incertitude et la crainte, il y a des gens qui se débarrassent du titre à n'importe quel prix", souligne un vendeur. "Nous sommes dans un climat tellement psychotique que n'importe quelle information entraîne des mouvements inconsidérés et excessifs. On est sur un terrain tellement mouvant, que cette affaire fait peur. On peut craindre une contagion sur le marché", commente pour sa part un gérant. Pourtant, nombre de spécialistes du secteur jugent la décision de Moody's excessive et dénoncent une trop grande réactivité pour faire oublier, selon eux, des failles comme celle de WorldCom, dont l'agence n'avait pas prévu les difficultés. "Nous sommes dans un scénario où Messier s'en va et où le démantèlement du groupe semble probable. Avec les cessions d'actifs attendues, il ne fait aucun doute que la dette sera remboursée", explique un spécialiste du secteur travaillant pour un courtier parisien. Pour Jean-Michel Maingain, responsable de la gestion chez Federal Gestion, "de telles informations ne peuvent pas justifier, à elles seules, qu'un tiers de la capitalisation parte en fumée en moins de quelques heures". D'ailleurs, nombre d'analystes estiment que la valorisation de la somme des parties du groupe se situe entre 30 et 45 euros. "Mais l'ambiance actuelle du marché accentue les réactions et aujourd'hui, c'est la peur qui l'emporte", ajoute le gérant. Des traders précisent également que la chute du titre a été accélérée par des éléments techniques, certains investisseurs institutionnels ne pouvant détenir, pour des raisons réglementaires, non seulement des obligations mais aussi des actions de sociétés notées "junk bonds". "Il y a deux phénomènes, les gens sont obligés de vendre pour des raisons réglementaires et puis, il y a une spirale de panique", note l'un d'entre eux.