En validant l'entrée en vigueur, au 1er juillet 2002, du démantèlement des droits de douane sur l'importation des produits pétroliers raffinés, le gouvernement joue le jeu de la libéralisation. Une approche compatible avec les contraintes de la mondialisation du secteur et qui incite les opérateurs à une véritable mise à niveau de leurs performances et de la qualité de leurs produits. Le consommateur devrait y trouver son compte. Le gouvernement a tenu ses engagements en décrétant la libéralisation progressive du marché pétrolier au Maroc à partir du lundi 1er juillet 2002. Très attendue non seulement par les professionnels du secteur mais aussi par l'ensemble des opérateurs économiques, cette décision fut prise le jour même en fin d'après-midi, à l'occasion de la réunion, sous les auspices du Premier ministre, de la commission ministérielle chargée du dossier. “ L'État ne pouvait pas revenir sur ses engagements au risque de se déjuger“. C'est en ces termes que le ministre de l'Énergie et des Mines, Mustapha Mansouri, nous a commenté les enjeux de cette affaire stratégique pour le pays. Ainsi, La Samir n'aura pas réussi à infléchir la volonté des pouvoirs publics dans le sens qui arrange ses propres intérêts. À savoir repousser le délai de la protection douanière dont a bénéficié le raffineur pendant une période de 5 ans au-delà de la date du 1er juillet 2002 prévue dans le cahier des charges relatif à la privatisation de la Samir. Arrivé à échéance, ce délai va ouvrir maintenant la voie au démantèlement linéaire des taux et droits de douane sur une période de 7 ans. Cédée en 1997 au groupe suédo-saoudien Corral, cette société bénéficiera en outre d'un avantage majeur : une formule d'indexation assez intéressante basée sur les prix de Rotterdam arrivée elle aussi à échéance le 1er juillet 2002. Cette marge confortable sera également revue à la baisse. L'État a rempli donc sa part du contrat. Pas La Samir qui en échange de ces privilèges s'est engagé dans le même cahier des charges à mettre en œuvre un plan de développement pour la mise à niveau de son outil de production. Un investissement global de quelque 400 millions de Dollars. Or, ce programme ambitieux ne sera jamais réalisé, La samir se contentant chaque année de le présenter sur le papier au ministère de tutelle et à la presse. Mieux, le raffineur a même désinvesti au fil du temps en cédant certains de ses biens immobiliers et nombre d'actifs qu'il possédait dans le gaz… Abderrahmane Saaïdi, directeur général de la Samir depuis juillet 2001, aura tout tenté pour que les pouvoirs publics lui accordent un moratoire et prolonger le monopole de fait octroyé à l'entreprise. Argument avancé : si l'État s'en tient à l'échéancier initial (1er juillet 2002), La Samir au pire sera condamnée, au mieux ravalée au rang de structure de stockage. En termes clairs, l'ex-ministre des privatisations ne demandait rien que moins que le gouvernement continue pendant quelques années encore à entourer la Samir d'une bienveillance protectionniste et que le vent du libéralisme qui a touché nombre de secteurs s'arrête à la filière pétrolière! Drôle de conception de l'économie moderne. Pour un ministre qui avait la charge de privatiser les entreprises publiques dont La Samir, un tel raisonnement a quelque chose d'anachronique. Se sachant acculé et poussé dans ses derniers retranchements, conscient qu'il menait un combat d'arrière-garde, M. Saâïdi perdra même son sang froid. N'a-t-il pas qualifié dans la presse les distributeurs de “lapins qui seront bouffés“ par les “lions“ (les multinationales). Un fournisseur qui s'en prend de cette façon à ses clients… Monopole, quand tu nous tiens… Comment va se traduire pour La Samir le début de la fin de l'État de grâce ? Concernant la formule d'indexation basée sur le prix de Rotterdam ou ce que l'on appelle le “coefficient d'adéquation“, la filiale de Corral appartenant au Saoudien Mohamed Hussein Al Amoudi va désormais voir cette marge, qui était de 6,5%, passer à 2,5. Cela signifie concrètement que les fonds propres de l'entreprise vont enfin être ramenés raisonnablement à hauteur de 11% au lieu de 20 actuellement. Jugé honnête, ce taux correspond à peu près aux standards pratiqués dans d'autres pays. Pour les distributeurs, leur structure n'a connu en revanche qu'un simple réaménagement de certaines rubriques. Sans incidence significative sur la rentabilité. Aussi l'écart de rémunération des fonds propres entre le raffineur et le distributeur demeure-il important. Pour le moment, les distributeurs, convaincus de la justesse de leur cause, ont gagné le premier round d'une bataille cruciale. Celle du démantèlement progressif des tarifs douaniers sur les produits pétroliers raffinés. Actuellement de 17,5%, ceux-ci seront réduits à 15% en 2003, à 12,5% en 2005 et finir à 10% en 2006. Cette baisse permettra aux sociétés de distribution de s'approvisionner elles-mêmes sur le marché international à partir de 2006. La guerre du pétrole aura bel et bien lieu.