L'Union européenne (UE) veut se débarrasser des demandeurs d'asile et des immigrants clandestins sur son sol, en créant des Centres d'accueil aux pays d'Afrique du Nord. Le Maroc, où des négociations seraient déjà en cours, est au cœur de cette nouvelle stratégie européenne. L'UE refoule la misère très loin de ses frontières. Elle veut installer au Maghreb des camps de triage de demandeurs d'asile. La proposition est défendue par les plus hautes autorités des Etats membres de l'UE. La semaine dernière, le ministre allemand de l'Intérieur, Otto Schily, a préconisé la construction en Afrique du Nord de camps pour réfugiés africains. Ces camps serviront à s'assurer de l'identité des demandeurs d'asile avant de les autoriser ou non à fouler le sol européen. Si une virulente querelle a éclaté entre Otto Schily et le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, qui s'oppose à l'idée de créer des camps de demandeurs d'asile en Afrique du Nord, la proposition a été chaleureusement applaudie par le futur commissaire européen italien, Rocco Buttiglione, chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité. Il a qualifié, lundi sur les ondes de la radio allemande Deutschlandfunk, de «bonne idée» la création de centres, loin des frontières communautaires. A la demande de l'Italie et l'Allemagne, la prochaine réunion du G5 (les cinq plus gros pays de l'UE) sera consacrée aux questions intérieures. Prévue pour septembre, cette rencontre pourrait valider la création de camps en Afrique du Nord dans le cadre d'une réforme globale de la politique communautaire d'immigration et d'asile. La Grande-Bretagne ne peut que l'approuver, puisque Tony Blair avait été le premier à recommander, lors de la réunion qui s'est tenue à Veria, en Grèce, à la fin du mois de mars 2003, de placer les immigrants dans des pays extérieurs à l'UE. On voit mal comment les deux autres pays du G5, la France et l'Espagne, pourraient s'opposer au projet conduit par l'Allemagne et l'Italie. Le Maroc est au centre du nouveau dispositif de l'UE. Selon plusieurs journaux espagnols et allemands, l'UE est déjà en négociations avec le Maroc «en vue d'obtenir que ce pays accueille des réfugiés dont les demandes d'asile ont été refusées en Europe». Une source marocaine proche du dossier ne veut ni confirmer, ni infirmer cette information. Mais la presse européenne donne des détails sur trois à cinq camps au Maroc qui accueilleraient non seulement les demandeurs d'asile africains, mais également les immigrés refoulés de l'espace européen. Le président du gouvernement autonome des Iles Canaries, Adan Martin, se réjouit déjà publiquement de cette initiative qui risque de donner une bien mauvaise réputation à notre pays. Car l'objectif de l'UE est clair : en retenant sur leur route les demandeurs d'asile ou en les refoulant, elle se dégage des responsabilités que la Convention de Genève sur les réfugiés fait peser sur elle. L'UE est prête à payer pour que les immigrants et les réfugiés malvenus soient retenus loin du contrôle de sa justice et de la pression de son opinion publique. «Loin des yeux, loin du cœur», commente le quotidien de Munich «Süddeutsche Zeitung». Ce journal donne le fin mot de l'histoire : «la richesse reste à l'intérieur, la misère est refoulée aux portes de l'UE». Une histoire qui ne fait que commencer, au demeurant. La machine d'“extermination“ des réfugiés et immigrants clandestins commence à peine à fonctionner. Aux Pays-Bas, la ministre de l'Immigration, Rita Verdonk, a inauguré vendredi 13 août le premier “centre de départ” où seront placés certains des 26 000 demandeurs d'asile déboutés que les Pays-Bas souhaitent expulser d'ici 2007. A l'heure où l'UE se bat contre la délocalisation de ses entreprises, elle paie au prix fort la délocalisation de certains hommes.