Le dossier de l'immigration clandestine a constitué, au cours ces derniers jours, un sujet de discorde entre la Commission européenne et le gouvernement italien, notamment dans ses volets relatifs au refoulement des clandestins et à l'octroi du droit d'asile. Cette discorde s'est accentuée lorsque Bruxelles a adressé une requête à l'Italie lui demandant des éclaircissements au sujet du refoulement, dernièrement, vers la Libye d'un bateau avec 75 clandestins à bord, sans que ceux parmi ces derniers, qui pourraient légitimement prétendre au statut de réfugiés, ne puissent faire valoir leurs droits. Irrité par ce geste, le Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, s'en est durement pris à l'UE, dont il est allé jusqu'à menacer de "bloquer le fonctionnement", décriant au passage la cacophonie régnant en la matière au sein de la Commission européenne. Pour lui, seuls le président de la Commission et son porte-parole doivent être autorisés à s'exprimer publiquement sur les questions afférentes à l'immigration, excluant de fait les commissaires et de leurs porte-parole, dont il a suggéré le "renvoi" s'ils persistaient à le faire. Au fil de la semaine, d'autres responsables italiens ont emboîté le pas à Berlusconi pour défendre l'approche de l'Italie et souligner sa détermination à continuer sur la voie qu'elle s'est tracée pour lutter contre le phénomène de l'immigration clandestine. Il en est ainsi du ministre de l'Intérieur, Roberto Maroni, qui a insisté sur la résolution de son pays, nonobstant toute considération, à poursuivre les refoulements des clandestins dès leur interception par les gardes côtes italiens dans les eaux internationales. Au même moment, son homologue des affaires européennes, Andrea Ronchi, accablait l'UE pour le grand "retard" pris dans le traitement du dossier de l'immigration clandestine et pour avoir, jusqu'à présent, "laissé seul" son pays face à ce phénomène. Selon lui, l'Europe est tellement en retard dans ce domaine qu'"elle ne se rend pas compte que maintenant il s'agit d'un problème qui concerne les 27 pays de l'Union". Sur le même ton, le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a reproché à l'UE de "faire des déclarations (..) mais elle n'a toujours pas dit ce qui doit se passer quand un groupe de migrants atteint les frontières de l'Europe" . Pour le chef de la diplomatie italienne, une réponse commune au problème de l'immigration clandestine s'impose désormais de la part des 27 pays de l'UE. La réaction de Bruxelles aux critiques italiennes ne s'est pas fait attendre puisque dès le lendemain de la déclaration du président du Conseil italien, le commissaire européen chargé des questions d'immigration, le Français Jacques Barrot, a tenu à clarifier les choses, notamment en ce qui concerne la requête adressée aux autorités italiennes. "Nous sommes dans notre rôle (...). Ca ne vaut pas la peine de s'attarder à des commentaires qui ne me paraissent pas avoir d'objet", a-t-il déclaré. "Quand il s'agit de problèmes qui affectent un Etat membre (de l'Union européenne), comme l'Italie ou autre, nous devons demander un certain nombre d'explications", a-t-il expliqué. "C'est ce que nous avons (déjà) fait au début de l'été", notamment "sur la manière dont (les autorités italiennes) entendaient répondre à leur devoir d'asile" et "nous attendons maintenant" les réponses, a-t-il ajouté. Pour lui, il importe de faire la différence entre migrants clandestins et demandeurs d'asile. "Qu'il y ait refoulement des migrants irréguliers, pas de problème, par contre il peut y avoir parmi ces irréguliers des gens qui peuvent déposer une demande (d'asile), et c'est là où se trouve le problème", a souligné Barrot. "Il faut vraiment que l'Europe soit un modèle de fermeté à l'égard de l'immigration irrégulière, mais aussi d'humanisme à l'égard de ceux qui sont persécutés", a-t-il insisté. Le commissaire européen a reconnu cependant le bien fondé des critiques formulées par les autorités italiennes à l'endroit de certains pays européens dont elles reprochent "l'égoïsme" et le manque de bonne volonté pour partager le fardeau de l'accueil des réfugiés. Dans cette logique de reconnaissance des torts, la Commission européenne a présenté mercredi un projet visant à accroître le nombre de réfugiés vulnérables d'Afrique ou du Proche-Orient accueillis dans l'UE, jugé trop faible aujourd'hui, projet qui va devoir toutefois être approuvé par les Etats membres. A travers ce projet, déjà applaudi par Rome, Bruxelles souhaite établir un programme européen dans ce domaine, en fixant des "priorités annuelles communes" et en débloquant des fonds européens, alors que les pays de l'UE agissent actuellement en ordre dispersé. Elle considère aussi sa proposition comme un moyen de limiter l'afflux de réfugiés en Europe via les filières clandestines, notamment à bord d'embarcations de fortune en Méditerranée. Un problème auquel font face l'Italie et Malte en première ligne. Cette initiative européenne rejoint les préoccupations de l'Italie qui n'a eu de cesse d'appeler les 27 pays de l'UE à apporter une réponse commune au problème de l'immigration clandestine dont elle fait face. Jusqu'à présent, l'Italie a choisi de régler à sa manière le problème en signant, en août dernier, un accord avec la Libye qui confère aux autorités italiennes la possibilité de refouler les clandestins partis des côtes libyennes avant même qu'ils n'accostent sur le sol de la péninsule pour faire valoir une demande d'asile. Mais l'approbation par les Etats de l'UE du projet présenté par la Commission pourrait, peut-être, ouvrir devant elle d'autres perspectives, moins radicales