Le plan américain pour le règlement du conflit israélo-palestinien fait la part belle aux positions extrémistes et aux exigences d'Ariel Sharon. Le Président Arafat est directement mis en cause. L'autorité palestinienne est prise en étau entre le diktat israélo-américain et le durcissement des positions de la résistance palestinienne. La situation au Proche-Orient demeure explosive. Finalement prononcé lundi soir, le très attendu discours du président américain avait un objectif précis : faire revenir la paix au Proche-Orient. D'où les multiples reports que George W. Bush a justifiés par son souci de choisir le moment le plus opportun «pour que la stratégie de relance (de la paix) ait un impact maximum sur toutes les parties». Et quelle stratégie que celle d'une mise à l'écart de Yasser Arafat comme condition d'un Etat palestinien, si «temporaire» soit-il! Après de multiples rencontres diplomatiques, à la Maison blanche comme en Europe, le président américain a fait de son «plan» - une déclaration d'intention plus qu'un projet structuré -, une stratégie draconienne pour les Palestiniens au profit du gouvernement Sharon. Il faut dire que depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000, le premier ministre israélien a été reçu à six reprises à Washington. Ce qui lui a sans doute permis de convaincre M. Bush qu'il fallait cesser de considérer le président de l'Autorité palestinienne comme un interlocuteur valable. Lundi, sans nommer Yasser Arafat, le chef de la Maison blanche a donc déclaré que « la paix exige une direction nouvelle et différente afin que puisse naître un Etat palestinien». Une réforme dont dépendra l'aide financière américaine pour la future Palestine. M. Bush l'a répété : «aujourd'hui les autorités palestiniennes encouragent le terrorisme au lieu de s'y opposer et c'est inacceptable». «De vrais réformes nécessiteront des institutions politiques et économiques entièrement renouvelées, basées sur la démocratie, une économie de marché et des actions contre le terrorisme», a-t-il ajouté. Tout en revenant sur les résolutions onusiennes 242 et 338 – «les paramètres du règlement global du conflit» -, M. Bush a toutefois occulté les points les plus délicats, à savoir les contours définitifs de la future Palestine, le statut final de Jérusalem et le sort de pas moins de 3,7 millions de réfugiés palestiniens. Il a aussi parlé d'un règlement définitif de la question d'ici trois ans, mais est resté tout aussi vague sur le futur calendrier de négociations, tout comme sur la tenue d'une conférence internationale et la venue de Colin Powell dans la région. De quoi satisfaire le premier ministre Sharon qui a répondu qu'Israël était prêt à des négociations après « l'arrêt total des violences et attentats ». Invité à se retirer des villes palestiniennes de Cisjordanie et à arrêter sa politique de colonisation des terres occupées, l'Etat hébreu continue de faire le dos rond : il vient d'être conforté dans son refus d'avoir Yasser Arafat comme interlocuteur. Le ministre de la défense Benyamin Ben Eliezer a même parlé d'une «vision historique». Le Conseil Yesha, représenté par plus de 200.000 colons juifs, s'est lui félicité d'un discours qui donne le «feu vert» au démantèlement de l'autorité palestinienne et au retour à l'administration directe par Israël de la bande de Ghaza et de la Cisjordanie. Ce à quoi le gouvernement Sharon s'applique depuis des mois… Saëb Erekat, négociateur palestinien, a pour sa part qualifié le discours de M. Bush d'« inacceptable » soulignant que « les dirigeants palestiniens ne sont pas parachutés directement de Washington ou d'ailleurs» et qu'«ils ont été élus directement par le peuple palestinien, tout comme Yasser Arafat». Le Hamas l'a qualifié de «partial» et promis de poursuivre «la résistance» contre Israël. Yasser Arafat, enfin, s'est contenté de parler de «contribution importante» au processus de paix. Le président palestinien s'est aussi prononcé pour des « contacts directs et bilatéraux avec l'administration américaine» et pour des discussions avec le «quartet» (UE, ONU, Russie et Etats-Unis) ainsi qu'avec les dirigeants du monde arabe. Yasser Arafat a également annoncé la tenue d'une élection présidentielle en janvier 2003, et par là même fait savoir que c'est le peuple palestinien qui décidera de sa nouvelle direction. «Pour le bien de l'humanité toute entière, les choses doivent changer au Proche-Orient», a martelé lundi George W. Bush. Mais de quelle humanité parlait-il donc ?