«Cheikh Amoudi est là depuis quelques jours pour résoudre le problème». Cheikh Amoudi, pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est le principal actionnaire de la Samir. Et depuis l'éclatement au grand jour de la crise de la Samir, début août, entraînant, entre autres conséquences, l'arrêt quasi-total de la production, le top management de la raffinerie tente de jour en jour de rassurer mais sans vraiment convaincre. C'est que jusque là, il faut noter, qu'en termes d'assurances, le management de la Samir a fait essentiellement dans la communication et les déclarations d'intention plus que dans l'action. Parmi les faits communiqués, par exemple, l'arrivée au Maroc de l'actionnaire majoritaire de la Samir comme prémices à une solution. Certes, en temps de crise, la com' est importante mais la gestion de crise ne peut pas se résumer à cela uniquement au risque de tomber dans la fuite en avant. On aura remarqué, en effet, que jusque-là, la Samir a été active en la matière puisqu'elle a publié trois communiqués en l'espace d'une semaine. Dans le dernier, particulièrement, il était annoncé une augmentation de capital mais pas avant octobre car l'opération devrait être validée par une assemblée générale extraordinaire prévue le 12 octobre. Laquelle assemblée devra être à son tour convoquée par un conseil d'administration qui ne devrait se tenir que le 8 septembre. Mais l'annonce faite a visiblement produit l'effet recherché par la Samir puisque dans les jours qui suivent, des informations distillées font état d'une injection d'argent frais. Mais quand on découvre le montant avancé, 1 milliard DH – chiffre non démenti par la société – on confirme davantage les vraies intentions de la Samir: Temporiser et utiliser l'arme de la communication sans plus. Car pour les analystes financiers, un milliard DH ne représente rien comparé à la dette colossale de la Samir qui avoisine selon les dernières estimations, quelque 40 milliards DH, dont 13 milliards dus à la seule administration des douanes. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur les bilans au 31 décembre 2014, qui font ressortir un endettement de presque 32 milliards DH entre dettes de financement, découverts et facilités bancaires et dettes envers les fournisseurs et l'Etat. Et encore, ce n'est là que la partie visible de l'iceberg… D'ailleurs, à présent que la crise est apparue au grand jour, une bonne partie de cette dette deviendra immédiatement exigible. Et si l'annonce de l'augmentation de capital avait pour objet de gagner du temps, c'est raté puisque l'administration de la douane s'est empressée dès le 12 août à demander par voie judiciaire une saisie arrêt pour recouvrer sa créance. Conformément au code de recouvrement des créances publiques, les responsables de la douane pensent pouvoir recouvrer une partie des 13 milliards DH en se faisant directement payer auprès des clients de la Samir. Mais encore faut-il qu'il y ait quelque chose à recouvrer car, comme l'indiquent plusieurs professionnels, ils ont toujours payé la Samir au comptant et rubis sur l'ongle. C'est dire que 1, 2 ou même 10 milliards DH injectés en argent frais ne serviront pas à résoudre le problème. Si les banques d'affaires qui conseillent la Samir ont estimé qu'un milliard DH serait suffisant pour faire une restructuration financière c'est que très probablement les consultants n'ont pas eu accès à la totalité des informations et données chiffrées. Mais les professionnels y voient bien la technique de la fuite en avant prisée depuis des années par le top management de la Samir. C'est d'ailleurs dans cet état d'esprit que s'inscrivait l'opération du mois d'avril dernier quand la Samir avait annoncé en grande pompe un financement de 3 milliards DH de la part de BCP. En fait, il ne s'agissait ni plus ni moins que de lignes de refinancement de la dette dont une grosse partie consistait en opérations de factoring… ! Le top management de la Samir en a profité, une fois de plus, pour faire dans la surmédiatisation de sorte à faire croire à un retour de la confiance de la part des banquiers. Mais ce n'était là qu'une manière de repousser le moment de l'éclatement de la bulle. Aujourd'hui c'est fait et de quelle manière ! Les distributeurs n'ont été avisés de l'arrêt des livraisons que 2 ou 3 jours seulement à l'avance. Le management de la Samir n'aurait trouvé mieux pour prendre en otage une activité aussi névralgique pour un pays que la distribution des hydrocarbures. Heureusement que les sociétés de distribution sont suffisamment bien organisées et autonomes pour nous éviter une situation de pénurie. Et «heureusement» aussi pour la Samir car de tels procédés sous d'autres cieux coûteraient à l'entreprise de très lourdes sanctions…