D'ici quelques jours, l'on devrait être fixé sur le sort de la Samir, à travers deux options : la liquidation ou le redressement judiciaire. Entre recours à la justice et provisions en cascade, les créanciers sont aux abois devant la passivité du management du raffineur. "La Samir est en train de tourner tout le monde en bourrique. En réalité, les tergiversations continues des dirigeants et leur versatilité montrent qu'ils n'en ont cure des créanciers, fournisseurs, salariés... Que la raffinerie reprenne son activité ou non reste le cadet de leurs soucis». C'est le réquisitoire cinglant d'un analyste de la place, au lendemain de l'audience qui a eu lieu le 7 mars au tribunal du commerce de Casablanca. Audience au cours de laquelle le Directeur général de la Samir, Jamal Ba-Amer, a réitéré la volonté de l'actionnaire principal, Cheikh Mohammed Al Amoudi, de remettre la Samir sur les bons rails. La prochaine audience, prévue le 14 mars, devrait permettre de franchir un cap crucial : la liquidation ou le redressement judiciaire. Cette dernière option, proposée par la Samir elle-même, ne devrait être retenue que si, effectivement, le redressement est jugé possible, avec en toile de fond l'apurement des dettes et la sauvegarde des emplois. «Le problème est que les dirigeants de la Samir se dédisent sans cesse et ont perdu toute crédibilité, tant vis-à-vis de l'Etat que des autres créanciers», renchérit notre source, pour qui «le principal actionnaire laisse volontairement pourrir la situation et ne montre aucune volonté manifeste de trouver des solutions viables et pérennes pour la société. Dans ce cas, il est difficile, dans l'état actuel des choses, d'envisager un redressement judiciaire, ne serait-ce que parce que les dirigeants n'ont pas apporté de garanties suffisantes». Difficile, en effet, de ne pas souscrire à ses propos. Car, rappelons-le, il était prévu que le raffineur procède à une augmentation de capital de 10 Mds de DH. Cheikh Mohammed Al Amoudi devait d'ailleurs apporter sa quote-part dans le capital, soit 67%, pour un montant de 672 millions de dollars, et ce avant le 15 novembre 2015. Il s'était même dit prêt à souscrire au solde de l'augmentation de capital au cas où les actionnaires minoritaires ne souscriraient pas à l'opération. Mieux, des initiatives devaient être prises en vue de fixer un plan de reprise et de redémarrage des activités de la société et pour en renforcer la gouvernance avec l'aide d'un cabinet conseil. Depuis, motus et bouche cousue. L'augmentation de capital de 10 Mds de DH est passée à la trappe. Ce qui agace de plus en plus le gouvernement marocain. Récemment, l'argentier du Royaume, Mohamed Boussaid, est même sorti de sa réserve pour exiger des responsables de la Samir d'honorer leurs engagements, en procédant à l'augmentation de capital promis, non sans marteler que «le temps du chantage est révolu». «A l'heure actuelle, cette augmentation de capital ne servira qu'à résoudre une infirme partie des problèmes du raffineur, car, à côté, il faudra proposer un plan de restructuration crédible, cohérent et viable à long terme», précise notre source. Ce qui passera par un plan de désendettement drastique susceptible d'être accepté par les créanciers, principalement l'Etat, à travers la douane, mais aussi les établissements bancaires. Encore faut-il que l'actionnaire principal veuille bien mettre la main à la poche. Ce qui, vu ses atermoiements, ne semble pas vraiment être le cas. Or, il s'avère que, selon les chiffres avancés récemment par le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, les dettes de la Samir s'élevaient à 45 milliards de dirhams avant la suspension de ses activités, prise après concertation avec les distributeurs d'hydrocarbures et les professionnels du secteur qui ont affirmé leur capacité à approvisionner le marché.
Dommages collatéraux et provisions en cascade Créanciers, fournisseurs, salariés..., tout le monde est aux abois. Empêtrée dans une véritable crise financière, avec une perte de 2,1 Mds de DH au titre du premier semestre 2015, doublée de l'arrêt du raffinage et d'une détérioration de l'outil de production, la Samir pourra difficilement sortir de cette mauvaise passe. D'aucuns, d'ailleurs, ne se font pas d'illusion et penchent pour une solution radicale : renationaliser le raffineur ou le céder à des opérateurs privés. Mais, dans tous les cas, les conséquences seront désastreuses. Sur le plan social, les emplois en jeu sont importants : la Samir et ses filiales emploient directement plus de 1.200 salariés. De même, entre 5.000 à 7.000 personnes seraient employées par le raffineur, en tenant compte des sociétés d'intérim et du travail temporaire. Sur un autre registre, les créanciers vont aussi y laisser des plumes. Les premiers effets des déboires du raffineur sont déjà d'ailleurs ressentis. Banques et assurances, même si elles se veulent rassurantes, ont d'ores et déjà commencé à provisionner. Les plus transparentes d'entre elles ont dévoilé le niveau de leur exposition au risque Samir. Ainsi, le Crédit Populaire du Maroc porte sur la société Samir des crédits par décaissement de 1,9 Md de dirhams, garantis à hauteur de 1,2 Md de dirhams par des sûretés réelles. Par ailleurs, une provision additionnelle pour risques généraux de 535 MDH a été passée, portant son encours à 2,8 Mds de DH. «Cette provision est inscrite en couverture de risques récemment identifiés dans certains secteurs, dont le raffinage», a expliqué le management. Wafa Assurance, elle, est exposée à hauteur de 100 MDH à travers des placements obligataires, couverts à hauteur de 50 MDH pour l'instant. «Mais rien n'exclut une couverture à 100% si la situation l'exige», a déclaré récemment le PDG de la compagnie, Ali Harraj, lors de la présentation des résultats annuels. D'autres sociétés, comme Maghreb Oxygène, ont plus durement été impactées par le risque Samir. «Cette année, eu égard notamment aux sérieuses difficultés rencontrées par le raffineur Samir, et en l'absence de visibilité quant à un éventuel plan de reprise le concernant, les résultats de la société seront essentiellement grevés par le provisionnement des créances imputables à ce dernier», souligne Maghreb Oxygène dans un communiqué relatif au profit warning qu'il a lancé. Quant aux gestionnaires de fonds, ils ont également sonné la mobilisation, en émettant un avis de convocation pour une Assemblée générale ordinaire le 22 mars courant, visant les porteurs des obligations Samir émises en 2008 d'un montant de 800 MDH. Les membres de l'Association devront, entre autres, nommer un représentant de la masse des obligataires. Il s'agit de l'expert-comptable Mohamed Hdid, qui aura la responsabilité de défendre les intérêts de la masse, y compris pour agir en justice au nom de l'ensemble des obligataires.