Il peint les mêmes tableaux depuis des décennies. Rien ne le détourne de ses fantasias. Hassan El Galoui peut agacer par sa répétition et toucher par son obstination à faire une œuvre à contre-courant. Il expose jusqu'au 26 juin à la galerie Venise Cadre à Casablanca. Il y a deux façons d'appréhender l'art de Hassan El Glaoui. Soit l'on dit : rien ne ressemble plus à un El Glaoui qu'un autre El Glaoui. L'homme peint les mêmes tableaux depuis près de 30 ans. Les chevaux et les cavaliers constituent son unique préoccupation. Dans une exposition de ce peintre, l'on voit une scène de fantasia, à côté, une autre scène de fantasia, plus loin toujours la même représentation. La répétition fonde le travail entier de Hassan El Glaoui. Que l'on aime ou non, on peut penser que cet artiste a trouvé la formule juste de son art. Sa recette fait mouche depuis des décennies. Il a décidé une fois pour toutes de bannir le renouvellement de son art. Ses tableaux sont de surcroît a-temporels. Rien, absolument rien, n'atteste qu'ils ont été peints à l'orée du XXIe siècle. Du point de vue de la touche, elle renvoie à celles des impressionnistes. Quant au motif, il semble narguer la vie d'aujourd'hui. Aucun accessoire ne permet d'identifier les tableaux de Hassan El Glaoui comme datant de notre exacte époque. De telle sorte que son art n'est pas situé. L'homme ne date pas en plus ses tableaux comme s'il voulait les priver d'une indication qui les inscrirait dans le temps. L'autre façon de regarder les tableaux de ce peintre a justement trait à son combat contre le temps. Il y a du Sisyphe dans Hassan El Glaoui. L'homme s'attache depuis des années à construire une œuvre fermée sur tout ce qui n'est pas son perpétuel recommencement. Il est obstiné dans une représentation unique. Dans sa résistance à la vie moderne, on peut dégager une volonté de ne pas assumer le cours de l'Histoire. Cette obstination de l'homme, compte tenu de son histoire personnelle, peut le rendre sympathique. Ses tableaux sont empreints d'une nostalgie pour un temps qui n'est plus. Par ailleurs, les œuvres exposées dans la galerie Venise Cadre se constituent évidemment de scènes de fantasias et de quelques natures mortes. Ces dernières sont peintes dans la pure tradition cézannienne. Dans les tableaux participant de cette optique, l'individualité du peintre n'apparaît pas du tout. Elle est revanche criante dans les tableaux où il peint des chevaux et des cavaliers. Ses œuvres sont reconnaissables sans que l'artiste ait besoin de les marquer de son sceau. La signature n'est d'aucune utilité pour reconnaître ses tableaux. C'est la marque des grands artistes ! Au reste, ce qu'il y a de beau dans la peinture de Hassan El Glaoui, c'est la ligne serpentine qui enveloppe le corps des chevaux et des cavaliers. C'est une ligne si aiguë, si légère qu'elle s'apparente à du dessin. Cette ligne se dédouble pour donner encore plus de volume aux bêtes. Elle frappe aussi par son allure vagabonde, en harmonie avec la fougue des chevaux. Le fond que le peintre choisit pour ses œuvres est également intéressant. Comme les chevaux remplissent toute la surface de la toile, ils n'ont pas d'attaches avec le sol. Lorsque le fond est bleu, ils donnent l'impression de nager ou de voler… Il existe une exception à la série de tableaux exposés à Venise Cadre : une très curieuse œuvre représentant deux clowns. Le clown et le saltimbanque ont si bien intéressé des artistes qu'ils font figure d'un genre pictural. Reste à savoir pourquoi El Galoui les a peints. Est-ce pour faire un pied de nez à lui-même et à son œuvre ? Ce qui serait une belle autodérision pour passer à autre chose.