Entretien. Ahmed Salem Latafi, membre du bureau politique du PPS, connu pour sa crédibilité et son dévouement aux principes de son parti et aux causes du pays, nous livre sa pensée. Aujourd'hui Le Maroc : Quel bilan brossez-vous de l'expérience du gouvernement d'alternance ? Ahmed Salem Latafi : Sans aucune complaisance à l'égard de Me Abderrahman Youssoufi et sans même dire que tout va bien, il y a lieu d'annoncer qu'au sein de ce gouvernement, il y a des militants et des nationalistes qui comptent parmi les meilleurs de notre pays. Evidemment, certains éléments pourraient rétorquer en avançant que peu de choses ont été faites sur le terrain. Thèse erronée, car il ne faudrait pas perdre de vue que ce gouvernement est survenu à un moment où le pays était menacé d'arrêt cardiaque et que durant les quatre années de son mandat, notre pays a pu éviter le chaos. Dans le domaine des libertés, il a pu accéder au cercle des Etats de droit, notamment à travers l'élargissement des libertés syndicales, la libération des détenus d'opinion, l'indemnisation des anciens disparus et victimes des arrestations arbitraires. Plusieurs personnes, qui furent contre le régime et luttaient pour son renversement, ont été indemnisées. Sur le plan social, d'énormes acquis ont été réalisés, comme c'est le cas pour la majoration des indemnités consacrées aux enseignants et qui a touché entre 70.000 et 80.000 personnes. Il est à rappeler, à cet effet, que tous les projets du gouvernement avaient une dimension sociale. Les acquis ont également porté sur le plan politique notamment à travers l'élargissement de la sphère des relations diplomatiques du Maroc, la consolidation de sa crédibilité sur le plan international et le renforcement du soutient apporté, en ce qui concerne la marocanité de nos territoires sahariens, par bon nombre de pays. Cependant, il est impératif de reconnaître que le talon d'Achille de l'exécutif actuel consiste en sa politique de communication. Une politique qui n'arrive pas à mettre en vue les divers acquis et réalisations. Comment voyez-vous la scène politique actuelle ? L'existence de plus de 36 partis pourrait jeter le discrédit sur l'action politique et la banaliser. Certes, nous sommes dans un pays libre et démocratique, mais un pays où la fécondité politique est exagérée. Car, il suffit que des personnes se démarquent de l'ensemble des membres de leur parti pour qu'ils puissent créer leur propre formation. Même l'ancien chef du patronat dispose actuellement d'un cadre partisan. Une situation qui pourrait avoir des répercussions négatives sur l'action politique. A cela s'ajoute l'absence de l'opposition. Dans le Maroc d'aujourd'hui, nous avons des partis, mais pas d'opposition. Il y a une majorité gouvernementale et des partis qui se proclament de l'opposition mais y être sur le plan de l'action concrète. Une situation due en grande partie aux élections précédentes, à leurs circonstances et aux falsifications qui l'ont entachées. Quel regard portiez-vous sur les préparatifs en cours en vue des prochaines élections ? Le gouvernement est en passe de préparer le pays pour une nouvelle alternance issue des urnes. Pour nous, au Parti du progrès et du socialisme, nous avons, depuis une dizaine d'années, demandé l'adoption du mode de scrutin de listes à la proportionnelle, pour permettre à la majorité des formations politiques d'être représentées au Parlement. Car, nous considérons qu'il voudrait mieux pour les partis minoritaires d'être à l'intérieur de l'enceinte parlementaire que d'y être à l'extérieur. Malheureusement, le mode actuel a été vidé de sa substance et facilite la tâche uniquement aux grandes formations partisanes et à leurs notables. Le découpage électoral qui sera en cours ne saurait permettre la représentativité aux institutions élues de plus de quatre ou cinq partis. Un second problème qui se dégage de cette situation a trait aux alliances partisanes. Il faudrait reconnaître que le nouveau mode rend difficile la question des alliances, non seulement entre les différentes composantes politiques, mais également entre les membres de chacune d'elles. Sur ce point, l'USFP appelle à des alliances après les élections, alors que pour votre parti, elles doivent se faire dès maintenant. Quels sont les arguments qui corroborent votre approche ? A notre avis, les alliances doivent se faire dès maintenant pour contrecarrer le bloc conservateur, les courants obscurantistes et la mafia des élections. En outre, elles sont nécessaires pour la clarification du champ politique et la continuité de l'expérience en vigueur. Une expérience dont le Maroc a encore besoin.