Ahmed Salem Latafi, membre du Bureau politique du Parti du Progrès et du Socialisme ( PPS), exprime sa déception quant au déroulement des élections portant sur la deuxième Chambre et à son fonctionnement. ALM : D'abord, quel regard portez-vous sur les résultats des élections du 6 octobre ? Ahmed Salem Latafi : C'est une mascarade dans le sens entier du terme et c'est un scandale. Ce qui s'est passé se passe de tout commentaire et porte préjudice à tout l'édifice que nous avons mis en place pour la consolidation des institutions démocratiques et la crédibilité de l'action politique partisane. La corruption, en effet, a été monnaie-courante pour l'acquisition des voix des électeurs. Et les opérations de dépravation et de malversations se faisaient au vu et au su de tout le monde. Dans la région d'Essaouira, à titre d'exemple, où s'est présentée Rajae Chaâbi, la corruption s'est faite de manière trop visible. A mon sens, ce qui s'est passé à l'occasion des élections des 90 membres de la Chambre des Conseillers ne saurait relever d'un pur hasard. Et je me pose sérieusement la question : tout cela n'était-il pas prémédité ? Il suffit de voir les résultats de l'USFP pour s'enquérir du danger qui guette la sphère politique marocaine. Mais, est-ce à dire que toute l'instance élue, relative à la deuxième Chambre est à rejeter ? D'abord, il faut reconnaître que des efforts énormes sont déployés dans le sens de rétablir la confiance au niveau des rapports des citoyens à la politique, mais tout cela s'est avéré vain et sans effet devant la volonté de nuire à la démocratie et à ses institutions au Maroc. Cela est un fait étroitement lié au cœur de la question que vous posez. Car, avec de telle pratique, toute discussion sur le fonctionnement serait tronquée. Dès le départ, le débat politique est faussé, puisque n'ayant aucun soubassement démocratique réel et crédible. Mais, en fait, quelle est votre position en ce qui concerne la deuxième Chambre? Est-elle vraiment inutile comme aimeraient le dire certains observateurs et hommes politiques ? Bien avant ces élections, nous avons estimé que cette Chambre ne remplit pas une fonction importante, et qu'il était souhaitable, pour nous de la remplacer par un Conseil supérieur économique et social. Ce dernier pourra très bien s'attribuer les prérogatives de cette Chambre et contenir en son sein les différents partenaires économiques et sociaux du pays, aussi bien ceux issus des plans locaux et régionaux, que ceux ayant une appartenance à des organismes nationaux (patronat, syndicats, etc...), mais jusqu'à présent notre appel reste sans suite. Et qu'en est-il du fonctionnement de cette Chambre à laquelle participent des membres de votre parti ? Abstraction faite de cet élément qui relève de notre stratégie politique, contraire à toute tendance portant sur le cautionnement de «la chaise vide», nous estimons que le débat de fond doit porter sur l'efficacité et l'efficience des appareils de gestion des affaires publiques. A quoi rime tout ce débat portant sur une soi-disant deuxième lecture des projets gouvernementaux et des textes de loi? N'était-ce pas une simple perte de temps, dont le pays n'a pas besoin? N'était-ce pas absurde et anormal, dans un pays comme le Maroc qui souffre d'un retard au niveau de la gestion de ses affaires, de voir un ministre présenter deux discours sur un même sujet ? La deuxième Chambre n'a pas de raison d'être si l'on se tient uniquement au rendement escompté et si l'on prend en considération les tractations, les conflits et les chevauchements dans les compétences, notamment par rapport aux prérogatives de la Chambre des représentants. Plus grave encore, à maintes fois, nous avons remarqué des changements qui frisent l'absurdité au niveau des positions des élus. Certains ne trouvent aucune difficulté à contrecarrer les positions de leurs camarades appartenant à la même formation partisane. Un même parti pourrait avoir des élus qui votent en faveur d'un texte de loi alors que des élus de la même formation optent pour une autre position dans la seconde Chambre. A ces faits, s'ajoute le problème de fond qui a trait à la composition de cette Chambre, devenue aux yeux des observateurs de bon nombre d'acteurs politiques, comme une simple bourse de valeurs et de transactions malsaines.