Les dégâts causés par le rapport d'audit élaboré par KPMG pour le compte de la CNCA continuent à faire des ravages. L'ensemble des arrestations et incarcérations se sont fait sur cette base. Une justice aléatoire. Le déroulement de l'affaire de la Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) est digne des grandes intrigues hollywoodiennes. Entre le 17 juillet et le 15 septembre 1995, un audit du cabinet KPMG révèle des dépassements au niveau de l'attribution des crédits. Une année plus tard, plus précisément le 22 avril, un rapport demeurant longtemps confidentiel de la Banque Mondiale remet en cause le travail réalisé par les auditeurs de ce cabinet de renommée internationale. Lequel labeur a coûté la coquette somme de près de 200 millions de DH. Le rapport de l'institution financière internationale énonce que l'affaire a fait l'objet de « jugements hâtifs manquant d'objectivité et d'impartialité sur plusieurs points». Ce même document souligne que le rapport d'audit «a oublié d'intégrer l'impact de la sécheresse dans ses analyses de portefeuille et des causes de non recouvrement des crédits agricoles». Les observateurs de la Banque Mondiale qualifient l'ambiance régnant au cours des événements de «véritable climat de chasse aux sorcières». Selon les propos relatés par ce même document, et sur la base des rapports de KPMG et des résultats des discussions avec la direction générale, s'étant tenues le 9 avril 1996, les analystes du cabinet d'audit externes sont passés au crible. C'est ainsi qu'il apparaît que : «l'équipe des auditeurs qui a intervenu sur la CNCA -une équipe peu expérimentée- a sérieusement manqué d'informations sur le contexte marocain et sur la CNCA pour conduire ses travaux». En fait ce que reproche, la Banque Mondiale à KPMG s'est une profonde méconnaissance des modes d'usage en cours entre la CNCA et ses bailleurs de fonds. Et surtout, le fait que l'auditeur n'ait pas consulté avant de bâtir ses conclusions, les documents étant au possession l'ancienne direction financière de l'établissement, qui avait connu un mouvement de repositionnement à la fin du mois de juillet 1995. La chronologie des événements a suivi un rythme soutenu. En 1996, particulièrement entre le mois de juin et d'octobre, l'inspection générale s'active sur un certain nombre d'enquêtes, qui mettent spécialement en avant deux cadres de la CNCA. En 1997, les pouvoirs publics interviennent et la machine est mise en branle. Le 26 juin, le ministre de l'agriculture de l'époque, Hassan Abouyoub est saisi du dossier. Le 6 août, le même ministre transfert l'affaire au ministère de la justice et Omar Azziman ordonne l'action publique. En octobre, la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ) diligente une enquête préliminaire. S'en est suivie une plainte déposée à l'encontre d'un troisième cadre de la CNCA, le 13 août 1998. Une fois le rapport de la BNPJ déposée, le 5 mars 1999, c'est près d'une quarantaine de personnes qui est mise en accusation. Le 28 avril 2000, la cour spéciale de justice procède à une enquête. La même année, les prévenus sont incarcérés. L'affaire atteint son point culminant, lorsque le 30 juin 2000, l'ex-directeur général de la CNCA, Rachid Haddaoui est incarcéré. Les mises en liberté provisoire sont prononcées au profit de la première vague des arrestations. Par ailleurs, en avril de cette année, Omar Azziman a dressé une nouvelle liste d'arrestations. De nombreuses personnes sont constamment remises en cause dans les filières de la CNCA.