Scandale. Les enquêteurs du service provincial des Eaux et Forêts d'Ifrane viennent de lever le voile sur une des plus grandes opérations d'abattage clandestin du cèdre dans la région où de gros bonnets seraient impliqués. Retour sur les faits de ce crime écologique odieux. Faudrait-il célébrer la Journée mondiale de l'environnement qui se tient aujourd'hui mercredi 5 juin? L'état de choc qui a suivi la nouvelle de la découverte par les forestiers d'Ifrane de nombreux arbres de cèdres et de genévriers coupés d'une manière délictueuse autorise cette remise en question et explique la perte de confiance des citoyens envers les actions d'ordres environnementales des pouvoirs publics. «On ne peut continuer à baratiner dans les salons sur l'environnement au moment où la destruction des forêts se fait au grand jour» commente un militant d'une association locale, indigné par la nouvelle. L'opération criminelle en question concerne, selon nos sources, 43 arbres, des cèdres de grandes qualités écologiques et économiques et 77 genévriers coupés alors qu'ils ne figurent pas sur la liste des arbres à abattre selon les dispositions de l'article 91 du lot 1 de la parcelle 71. La majorité du cèdre coupé se trouve, selon toujours nos sources, à l'intérieur d'un lot relevant du canton Saâ, dans la forêt de Bakrit et acheté par un exploitant forestier (lui même, ex-forestier) lors de l'adjudication publique qui a eu lieu le 31 octobre 2001. Parmi les arbres de cèdre coupés, il existe des arbres datant de plus d'un siècle et dépassant des fois 7 mètres de tour. C'est dire l'importance du butin volé. Selon M. Assali, chef du service provincial des Eaux et Forêts d'Ifrane, «la découverte par ses services de souches d'arbres de cèdres qui comportent une empreinte non conforme à celle du marteau de l'Etat», et d'ajouter que, «d'autres ont été coupés à ras du sol et intelligemment camouflés». Plus grave, de nombreuses souches de cèdres coupées, sont illégalement marquées par le marteau du préposé forestier. Ce qui est synonyme d'une autorisation officielle pour exploiter ces arbres non destinés à l'abattage. Pire encore, et devant l'importance du volume du bois volé (on parle de plus de 500 m3 et d'un pactole de 5 millions de dirhams), d'aucuns s'interrogent sur le pourquoi et le comment de la permissivité qui aurait accompagné le colportage de ce bois. D'autant plus que le transport du bois est soumis à une réglementation très stricte. Et les questions de s'imposer d'elles-mêmes : quel est le degré de l'implication de l'exploitant forestier ? et celui du forestier ? autant de zones d'ombres à éclaircir. Et chacun sait que cette affaire est un dossier explosif pour le ministère chargé des Eaux et Forêts.. Dans la rue, un déluge de rumeurs fait état de l'implication de gros bonnets de la région et de nombreux responsables du milieu forestier. Du côté des services des Eaux et Forêts, on rassure cependant que «toutes les dispositions ont été prises pour mener l'enquête jusqu'au bout». «Un procès-verbal a été dressé dans ce sens et sera soumis incessamment aux instances supérieures et la gendarmerie a été avisée en temps opportun» précise, M. Assali. L'affaire a éclaté suite à une lettre anonyme qui atterrit le 23 mai 2002 au bureau du centre de développement forestier de Timahdite dont relève la parcelle du lot en question. Une lettre menaçante, qui a mis la puce à l'oreille des responsables et permis après ratissage de quelques jours du lot de Saâ, de découvrir le pot aux roses : un massacre écologique entraînant la destruction de plusieurs cèdres à fort potentiel en semences, rares et nécessaires pour la régénération de ce patrimoine naturel mondial. Des voix s'élèvent pour dire non au massacre des forêts d'Ifrane, et d'appeler la justice à faire preuve d'honnêteté et d'efficacité dans ce genre d'affaire. L'impunité dont ont jouit les auteurs de délits forestiers à Taza et à Khenifra sont sur toutes les langues. Affaire à suivre. • Mohamed EZZINE Correspondance régionale