Une lourde menace pèse sur la cédraie de Jbel Tidighine (Al-Hoceïma), où des centaines d'arbres ont été abattus. Les acteurs associatifs dénoncent un véritable « massacre écologique». Le Rif au bord d'une véritable catastrophe écologique, après le lancement d'une opération d'abattage grandeur nature des cèdres de Jbel Tidighine, relevant de la circonscription Tarkist, à Al-Hoceïma. «Des dizaines d'hectares de la cédraie de cette montagne, la plus haute du Rif (2465 m d'altitude), ont été cédées à un entrepreneur de la région, en contrepartie de plus de 1 million de DH», alerte le président de l'Association Kétama pour le développement, l'environnement et la culture, El Hadrati Ayyad, dans une déclaration à ALM. L'Association a tenu sur le lieu de l'abattage, dimanche dernier, un grand sit-in de protestation contre ce «massacre écologique», avec la participation de nombreux riverains de Jbel Tidighine, et d'activistes de plusieurs ONG nationales, dont notamment l'Instance pour la protection des biens publics au Maroc. «Malgré l'opposition des habitants de la région, épaulés par plusieurs acteurs associatifs, l'abattage des cèdres se poursuit», note l'un des dirigeants de l'Instance Thami Belamaâlem, qui appelle à «une intervention urgente des autorités pour sauver le plus somptueux des arbres de la Méditerranée». Mercredi dernier à Rabat, le président de l'Instance Mohamed Tarek Sbaï, en compagnie du responsable de l'Association Kétama, M. El Hadrati, ont rencontré le Haut commissaire aux eaux et forêts. Lors de cette rencontre, ce dernier aurait affirmé qu'«une enquête est déjà en cours sur place pour déterminer les circonstances de cette affaire». L'Instance chargée de la protection des biens publics au Maroc a publié un communiqué dans lequel elle dénonce un «deal» avec un argentier destiné à financer la campagne électorale d'un élu de la région, au détriment de la cédraie du Rif déjà victime d'un pastoralisme excessif . «Les spéculateurs des élections exploitent un bio-patrimoine national par le biais de deals douteux pour des enjeux électoralistes non moins douteux», peut-on lire dans le communiqué de l'Instance. «118 hectares de cèdres sont aujourd'hui en danger», alerte cette ONG. «Entre coupes illégales et surpâturage, c'est non seulement la cédraie de Jbel Tidighine qui est menacée, mais tout l'écosystème national», se révolte cette association. Elle invoque la responsabilité des autorités pour mettre fin à «l'extermination» de cette denrée naturelle rare que représente le cèdre, livré en pâture à toutes sortes de spéculateurs, dont notamment les marchands de bois, protestant «contre ces personnes qui sont prêtes à tout pour monnayer au prix d'or des chambres à coucher ou des intérieurs en bois de cèdre». Pour le président de l'Association Kétama, M. Hadrati, la convoitise que suscite le mont Tidighine s'expliquerait par la forte demande en cèdre, dont le bois est connu pour sa qualité exceptionnelle. S'agissant du prix à payer, il précise que «le mètre carré du cèdre coûte près de 12.000 dirhams». Ce qui se passe sur le mont de Tidighine n'est toutefois «que l'arbre qui cache la forêt», fait constater le président de l'Instance nationale pour la protection des biens publics au Maroc, M. Sbaï. Pour s'en rendre compte, il suffit simplement de faire un petit tour du côté de la réserve de Tounfite, située à quelque 120 kilomètres de Khénifra, où l'abattage clandestin du cèdre atteint des sommets. «Dans cette région, jonchée de cèdres et de chênes, un réseau criminel s'active», met-il en garde. La liste est, évidemment, longue, mais abrégeons : Face à ce jeu de massacre, une mobilisation collective s'impose. «Autorités de tutelle, associations, ou simples citoyens, sont appelés à agir de concert pour empêcher l'extermination des cédraies nationales. Au cas inverse, la non-assistance à la nature en danger devrait passer pour un crime», avertissent les plaignants.