A une semaine du premier tour des élections législatives, la présence du Front national à la future Assemblée nationale reste une énigme. Malgré le désavantage du scrutin, la bombe Le Pen pourrait bien faire son retour. Le Front national le dit et le répète. L'effet Le Pen, produit par la présidentielle, montre que ses idées ont gagné du terrain en France. Les frontistes peuvent donc légitimement espérer faire un retour à l'Assemblée nationale, où ils ne comptent actuellement aucun député. Un récent sondage leur donne d'ailleurs raison : 28 % des Français – 11 % de plus qu'en 2000 – «adhèrent» aux idées de M. Le Pen. Ce qui n'empêche pas le parti d'extrême droite d'aborder le scrutin avec un certain grincement. Le FN, défavorisé par le système majoritaire, pourrait en effet n'avoir qu'une poignée de députés, voire aucun, dans la prochaine Assemblée nationale. Un désavantage que Jean-Marie Le Pen n'a pas manqué de souligner, critiquant ce « système électoral antidémocratique et scandaleux qui gouverne chez nous l'élection des députés». Ce que le leader d'extrême droite veut, c'est un retour à la proportionnelle, un « système plus juste », qui lui avait réussi en 1986. Instauré par le président d'alors François Mitterrand, ce scrutin avait en effet donné au FN 35 sièges de député. Or, depuis le rétablissement du système majoritaire à deux tours sous le gouvernement Chirac (1986-1988), le meilleur score du FN n'a été que d'un élu sur un total de 577 députés. Selon le sondage SOFRES paru dans Le Monde du 29 mai, 28 % des Français approuvent les critiques de M. Le Pen. Ils estiment «choquant» ou « très regrettable» que, malgré un score important, le FN n'obtienne aucun député. Selon les spécialistes, 237 candidats FN pourraient être présents au second tour des législatives, le 16 juin. Mais en même temps, ils affirment que le parti extrémiste ne pourrait former un groupe (20 députés) à l'Assemblée qu'en obtenant des retraits volontaires de candidats de droite. D'où les mises en garde du premier ministre mercredi soir. Jean-Pierre Raffarin a rappelé à l'ordre certains candidats de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) contre les tentations de « manœuvres » avec l'extrême droite avant ou après le premier tour. «L'UMP doit veiller à ce que nous soyons les garants de ce qu'a été le message de 5 mai, à ce que ni de près ni de loin, il puisse y avoir des bavures qui pourraient salir l'ensemble du combat politique qui est le nôtre», a martelé le nouveau chef du gouvernement. Il semble cependant que pour la droite comme la gauche, la question du Front national ne représente pas un souci électoral prioritaire. Lors du meeting de Rennes, M. Raffarin n'a-t-il pas désigné mercredi son adversaire comme étant la cohabitation ? «Aujourd'hui, il nous faut mener ce combat dans les 577 circonscriptions contre notre adversaire numéro un, qui porte en lui la division et l'impuissance», a-t-il alors lancé. La «Gauche unie» a pour sa part critiqué jeudi «l'engagement partisan» de Jacques Chirac qui se «détourne» du mandat du second tour de la présidentielle. Alain Richard, ex-ministre socialiste de la Défense, a aussi souligné que le Premier ministre faisait son «petit bonhomme de campagne» tout en continuant «d'esquiver» le débat que lui réclame la gauche. En attendant, Jean-Marie Le Pen multiplie les coups médiatiques et provocateurs. Après avoir demandé la dissolution du Parti socialiste, il a accusé mardi les écologistes et l'extrême gauche d'être « une menace pour la France», se référant à la tuerie de Nanterre et l'assassinat du leader populiste Pim Fortuyn aux Pays-Bas. «Je constate que deux des crimes politiques les plus sanglants qui se sont produits dans le dernier trimestre sont le fait de militants Verts» avait-il déclaré. «Un drogué à la haine» ont répondu les intéressés.