La codification du tifinaghe a été approuvée par l'Organisation internationale de normalisation (ISO). Cette approbation révolutionne la graphie de l'amazigh. C'est désormais une langue qui va se prêter à toutes les opérations informatiques. Derrière des considérations techniques, le tifinagh vient de vivre sa plus grande révolution. Cette graphie, qui a été âprement disputée avant son adoption comme écriture officielle de l'amazigh au Maroc, est désormais inscrite dans le registre des langues du monde. Elle a été officiellement reconnue comme faisant partie du plan multilingue de base par l'Organisation internationale de normalisation (ISO). Toutes les écritures des langues du monde sont codifiées par l'ISO avant de se prêter aux moyens de communication moderne. En d'autres termes, aucune langue ne peut être véhiculée sur Internet ou faire l'objet d'un traitement informatique, tant qu'elle n'a pas été codifiée par l'ISO. Le codage du tifinagh s'est effectué sur la base du travail accompli, pendant une année, par une équipe de linguistes et d'informaticiens de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM). Il a été approuvé à l'unanimité par les participants aux travaux qui se sont tenus du 21 au 25 juin à Toronto au Canada. «C'est un motif d'une très grande satisfaction pour nous, d'autant plus que les délégations de l'ISO ont adopté notre proposition de graphie dès la première séance», explique à ALM Ahmed Boukous, directeur de l'IRCAM. A titre de comparaison, l'arabe a nécessité des années et plusieurs amendements avant sa codification. Cette célérité dans la codification de l'amazigh est sans doute une reconnaissance de l'excellence du travail accompli par les chercheurs de l'IRCAM. Du point de vue technique, le tifinagh se compose désormais de 55 lettres. Au départ, il comportait 33 graphèmes, mais l'alphabet a été étendu au parler amazigh d'Algérie et touareg et comporte des variantes, dites caractères spéciaux. «On s'achemine ainsi vers la régularisation des écritures de l'amazighe, indépendamment des dialectes. On va vers l'homogénéisation de la langue à travers l'adoption d'une graphie unique», précise M. Boukous. Est-ce que cela signifie que l'homogénéisation de la graphie amazighe pourrait constituer une première étape vers la standardisation du parler ? «La locution est un problème plus épineux que la graphie. Et je ne sais pas s'il est souhaitable d'aller vers une uniformisation des parlers de l'amazigh». Toujours est-il que la codification de l'amazigh va immédiatement introduire des changements de taille. L'amazighe pourra désormais bénéficier de la normalisation des produits électroniques et de l'attribution d'un code informatique (répertoire, nom et numéro) aux caractères tifinaghes. Ce qui permettra d'assurer l'échange de documents électroniques sans perte d'information. L'écriture tifinaghe sera aussi intégrée aux logiciels élaborés par les grandes entreprises spécialisées dans la production du software, comme Microsoft. Ce qui facilitera son usage notamment au niveau de l'Internet et du traitement de texte. Cette normalisation devrait se faire au courant dul'année 2005. Et c'est sans doute l'un des plus beaux succès de l'IRCAM. Succès d'autant retentissant qu'il concerne tout l'amazighe – y compris en dehors des frontières du Maroc. Et la fierté des amazighophones d'avoir une graphie internationalement reconnue est aussi celle d'un pays doté d'un Institut de recherche sur l'amazigh grâce à la clairvoyance de son Roi.