Des intellectuels espagnols militent en faveur du rapprochement des peuples espagnol et marocain et déclarent la guerre à des préjugés vieux de plusieurs siècles. Une réflexion autour de l'histoire commune. Au moment où les rapports entre les deux voisins, le Maroc et l'Espagne, traversent une zone de turbulences, alimentée régulièrement par les déclarations inamicales de certains responsables ibériques, le Premier ministre José Maria Aznar en tête, les intellectuels des deux bords semblent vouloir prendre le relais pour militer en faveur du rapprochement des deux peuples. Lundi, le cercle des Beaux-arts de Madrid abritait un colloque destiné à présenter trois nouveaux ouvrages sur le Maroc. « L'image du maghrébin en Espagne », de Loy Gonzalez et deux ouvrages collectifs « Le Maroc et le colonialisme espagnol (1859-1912) » et « Anthropologie et anthropologues au Maroc, hommage à David Hart », coordonné par l'universitaire Bernabé Lopez Garcia. La rencontre organisée autour des trois ouvrages, publiés dans le but de combattre toutes sortes de clichés subsistant dans l'imaginaire de l'espagnol et se répercutant fatalement sur son comportement quotidien à l'égard de des étrangers, de l'hémisphère sud en particulier, s'est transformée en une sorte d'assises de réflexion autour des préjugés et autres attitudes de rejet handicapant un véritable rapprochement entre les deux peuples espagnol et marocain et par extension entre les deux pays voisins. Aujourd'hui, une frange des intellectuels espagnols estime être en droit de faire du lobbying afin que soit tournée la page de cette image du marocain décrite avec arrogance et négation dans une certaine littérature et ces caricatures galvaudées par une presse systématiquement et viscéralement hostile au Maroc. Une revendication exprimée par la députée socialiste Carmen Romero, également épouse de l'ancien chef du gouvernement espagnol, Felipé Gonzalez, qui a estimé que les livres en question retracent « avec courage » la cruauté du passé de l'histoire espagnole et sont une pierre non négligeable à l'édifice de l'entente des peuples des deux pays. Bernabé Garcia Lopez, coordonnateur de l'ouvrage sur l'anthropologie et les anthropologues au Maroc, et coutumier des colonnes marocaines, va plus loin. Pour lui, « l'arrogance, le complexe de supériorité que l'Espagnol croit avoir sur le marocain et le moro surtout, est le pire moulin à vent qu'il faut combattre en Espagne». L'universitaire estime qu'il est temps de tordre définitivement le cou à ce complexe de supériorité. «Le Marocain est notre alter ego que nous ne voulons pas reconnaître», a-t-il souligné. Le remède ? selon les intellectuels présents, seule une réflexion poussée autour de l'histoire moderne de l'Espagne et une prise de conscience des faux préjugés, seront à même de permettre de dépasser cette situation de blocage. La promotion des échanges culturels entre les deux bords, est le chemin le plus sûr pour y parvenir. Dans la lignée de l'ouvrage «L'image du Maghrébin en Espagne», écrit et édité par Eloy Martin Corrales, un natif de Tétouan, qui traite en 250 pages de tous les aspects de racisme et de xénophobie dont pâtissent les Maghrébins en Espagne. Ces ouvrages ne manqueront pas d'être suivis par d'autres, à la faveur de la prise de conscience de plus en plus nette en Espagne quant à la nécessité d'établir des rapports sains, transparents et amicaux entre les acteurs des sociétés civiles des deux voisins. L'ambition à terme, sera d'évacuer de la mémoire commune des années et des années de dépassements. Sur cette nouvelle base, le politique ne pourra que suivre.