Il est 9h00 du matin entre la ville marocaine de Fnideq et la porte du présidé occupé de Sebta. Les passages aux frontières sont déjà bondés de monde et les klaxons émanant des nombreuses voitures envahissant les postes frontières rythment les entrées et sorties des femmes «mulets» et autres passeurs. Pour les douaniers marocains, c'est un peu la routine! Rien de plus normal que ces milliers de porteurs et de contrebandiers qui font le passage chaque jour par Bab Sebta pour ravitailler de grands entrepôts, situés à l'entrée de la ville occupée. Des kilos, voire des tonnes de marchandises, transitent illégalement chaque jour entre l'Espagne et le Maroc. Mais pas que des marchandises ! Les voitures figurent également dans le lot ! Chaque année, des centaines d'automobiles d'origine espagnole, française ou italienne, rentrent au Maroc. Elles y servent de donneuses d'organes pour d'autres voitures marocaines, alimentant ainsi les stocks des ferrailleurs du Royaume, avant de traverser une dernière fois la frontière pour aller échouer tranquillement à Sebta, sur un parking de grande surface, ou tout simplement en pleine rue! Avant de les abandonner, leurs propriétaires prennent toutefois le soin de les dénuer de leurs plaques d'immatriculation. Pourquoi ? Parce que d'autres contrebandiers pourraient être tentés de récupérer ces plaques pour en faire des trafics encore plus douteux. Quelques semaines plus tard, la police espagnole qui retrouve l'épave, l'évacue vers le ferrailleur le plus proche. Pour Hassan, qui vit essentiellement du commerce des pièces détachées de ces voitures, ce petit transit reste «parfaitement légal, puisque la frontière n'est guère traversée de façon clandestine». Pour lui, «même les Espagnols profitent de la situation, car Sebta devient peu à peu un réservoir de pièces bon marché récupérées sur les carcasses abandonnées et revendues aux automobilistes espagnols dont le pouvoir d'achat a été rudement malmené par la crise ! Tout comme les ferrailleurs marocains, de nombreux ferrailleurs espagnols à Sebta y trouvent d'ailleurs leur compte et s'enrichissent de ce commerce». Mais cet avis ne semble pas être partagé par tout le monde. «Ces véhicules retraversent la frontière sous forme de carcasses à peine roulantes, elles ne peuvent plus passer le contrôle technique en Europe, c'est pourquoi elles sont abandonnées à Sebta par leurs propriétaires qui y gagnent plus en les revendant en pièces détachées au Maroc», explique un douanier espagnole de la Guardia Civile espagnol à Sebta. Et d'ajouter que cette situation «pose plusieurs problèmes, à la fois de logistique et d'écologie pour réussir à se débarrasser des nombreuses carcasses qui meublent plusieurs parkings espagnols, mais aussi des problèmes pour identifier les voitures qui ont été volées et celles qui ont simplement été abandonnées». Signalons qu'une loi spécifique à Sebta a été adoptée en 2013 par les autorités espagnoles. Celle- ci empêche les voitures qui ne correspondent pas aux normes européennes de circuler au sein du préside, sachant que les automobiles abandonnées passent souvent la frontière dans un état proche du délabrement. Selon la Guardia Civil espagnole, cette loi est difficilement applicable car le poste frontière est envahi chaque jour par des milliers de véhicules. Un flux particulièrement difficile à contrôler.