Le non-respect des règles de base de l'économie structurée pousse actuellement les entreprises à traiter avec l'informel. Hamad Kassal, président de la Fédération PME-PMI de la CGEM, nous dresse un panorama des solutions à mettre en chantier. ALM : La réunion ministérielle du mercredi dernier appelle à un plan d'action contre l'informel. Quel est votre regard sur ce dossier ? Hamad Kassal : Franchement, je ne vois pas l'utilité d'un autre plan d'action. Il faut plutôt agir que réagir. Les difficultés sont clairement définies. Les causses sont parfaitement identifiées. Le vrai problème au sujet de l'informel reste l'environnement de l'entreprise qu'il faut améliorer. Les critères élémentaires pour bien entreprendre ne sont pas systématiquement réunis. De l'éthique à la transparence en passant par les modes de règlements, un ensemble de facteurs conjugués poussent à l'encouragement de l'informel. À titre d'exemple, les délais de paiement entre entreprises ont donné naissance à des pratiques informelles touchant l'ensemble du tissu économique au point que même les grandes entreprises ne sont plus épargnées. Étalés entre 120 à 180 jours, ces délais portent certaines entreprises à traiter avec le secteur informel, certes avec facturation. Le besoin en liquidités est tel qu'elles y ont trouvé un moyen de générer du cash. Vous savez, les salaires de fin du mois et les cotisations CNSS et autres n'attendent pas, elles, 120 jours. Les intervenants étrangers, belges en l'occurrence, au débat ont appelé à l'éradication des centres commerciaux de l'informel. Pensez-vous que c'est une solution ? Assurément pas. Arrêtons d'importer les solutions d'ailleurs alors que le terrain, avec ses spécificités, nous impose une autre approche. Au Maroc, nous devons faire la différence entre l'économie informelle et l'économie populaire. L'économie populaire, par essence informelle, fait vivre le monde rural. Lorsqu'un paysan part au souk hebdomadaire, il ne lui vient pas à l'esprit de donner ou d'exiger une facture pour sa marchandise ou son bétail. Une fois en ville, à cause de l'intense exode rural, ces pratiques sont transférées. C'est une question très sensible. Il faut donc traiter le mal à la racine. Ces pratiques gagent à êtres réglés au niveau des compagnes. Par contre, l'économie informelle sévit avec la contrebande. Il n'est pas normal que les autorités continuent de fermer les yeux sur ces pratiques alors que des contraintes sont dressées face à l'entreprise structurée. Je vous cite mon expérience personnelle. Ma société est basée à Taza. Nous franchissons 13 barrages pour acheminer nos marchandises. Comment donc faire pour résoudre cette équation complexe des centres informels ? Je n'ai de cesse de prôner une solution réalisable. Prenez à titre d'illustration Derb Ghallef. Nous n'avons qu'à le déclarer zone franche pour 10 ans. Des cahiers des charges clairs et précis doivent accompagner et aider la mutation de l'informel vers le formel. La modernisation trouvera ainsi un cadre régulé pour agir. Ceux qui ne veulent pas suivre seront mis hors circuit. Avec un peu d'imagination, tout devient possible. Que pensez vous de la structure de veille proposée par les conférenciers ? Elle est indispensable mais non pas comme l'ont laissé entendre les fonctionnaires. La volonté réelle existe, mais elle gagne à être unifiée. Par exemple, l'administration de lutte contre les fraudes est sous la tutelle du ministère de l'Agriculture. Elle manque de moyens. Nous à la fédération PME-PMI nous faisons la proposition d'ériger un chef de file afin d'éviter les chevauchements et d'inciter à plus de synergies. L'administration des douanes me paraît bien outillée pour un contrôle et une régulation plus efficaces. À l'image des autres pays, la Tunisie notamment, le contrôle se fait en amont et en aval. L'administration des douanes exerce son droit de regard et de lutte conte l'informel le long du processus. C'est le meilleur rempart contre la sous-facturation. Elle peut aisément se rendre chez le vendeur, l'importateur, le grossiste afin de mieux contrôler les prix d'achats et ceux de la vente. Par contre, l'application stricte des lois s'impose. La loi sur l'étiquetage qui devait entrer en application le 31 mars 2004 a été reportée, à cause du fort lobbying, au 31 décembre 2004. Je doute de son application réelle. Aussi, les grandes surfaces sont appelés à mieux jouer le jeu. Nous pensons passer un accord avec elles pour mieux barrer la route à l'informel. Reste à souhaiter l'application des normes internationales en la matière.