Le front anti-vote en Kabylie se préparait à fermer la région dès lundi pour faire barrage aux élections législatives du 30 mai. Il est à craindre un regain de tension et une reprise des émeutes. D'abord un rappel des faits. La Kabylie, région montagneuse à l'est d'Alger, est en révolte larvée depuis plus d'une année contre le pouvoir central. Le mouvement contestataire des Âarchs (tribus kabyles), fer de lance de la contestation dans cette région, qui rejette «cette mascarade électorale», veut empêcher la tenue du scrutin. Le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), deux partis d'opposition les mieux implantés en Kabylie, ont appelé au boycott de ces élections. On s'attendait lundi à ce que les actions engagées contre la tenue des législatives dans les deux wilayas de la Kabylie, Tizi Ouzou et Béjaïa, connaissent un cran supplémentaire de tension. En effet, pour le dernier jour de la campagne électorale, la Coordination intercommunale de Béjaïa (CICB) a décidé, lors du conclave tenu le week-end dernier, une grève générale aussi bien dans le secteur privé que public. Il a été également décidé de couper les routes nationales et les chemins départementaux à la circulation durant quatre jours pour «empêcher coûte que coûte la tenue des élections législatives». Un peu partout, des citoyens ont procédé à la fermeture de leurs mairies respectives. Selon plusieurs d'entre eux, ces actions répondent au même souci de bloquer les législatives de jeudi prochain. De son côté, le Front des forces socialistes (FFS) a appelé à une grève générale ainsi qu'à une marche populaire du Théâtre régional de Béjaïa au stade, où un meeting sera animé par les cadres de ce parti. A El Kseur, des émeutes ont éclaté dimanche et ont fait 32 blessés, selon les délégués du Comité de la société civile de cette ville. La commune de Makouda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, a vécu une nuit de violence suite à l'occupation du siège de la daïra. Durant la nuit de samedi à dimanche, les assiégeants ont fait face aux forces anti-émeutes. Les affrontements ont fait deux blessés. Des scènes de violence similaires ont éclaté dimanche dans les localités de Maâtkas et Tizi Rached. A Iferhounène, toujours dans la wilaya de Tizi Ouzou, une marche populaire a été organisée dimanche et une grève générale y a été observée. A Bouhinoune, 3 km du chef-lieu de la wilaya, la caserne du détachement de la garde communale a été incendiée dans la nuit de samedi par des émeutiers. L'incendie a été déclenché vers 23 h en réaction à l'intervention des forces de l'ordre qui, une fois parties, les manifestants s'en sont pris au siège de la garde communale auquel ils ont mis le feu. A Bouira, un troisième postulant à la députation, Amrani Belkacem, du Mouvement pour la renaissance nationale (MRN), a retiré sa candidature. Ce retrait intervient après ceux d'un autre candidat du même parti et d'un indépendant. D'autre part, les autorités algériennes ont interdit depuis samedi les déplacements de la presse internationale en Kabylie. C'est ce qu'ont indiqué lundi à des représentants de cette presse venus en Algérie couvrir les élections législatives du 30 mai. Il leur a été précisé que «les déplacements en kabylie sont suspendus jusqu'à nouvel ordre», selon une déclaration signée par les journalistes de 16 organes de presse étrangers. Les autorités ont invoqué comme argument «un incident» survenu le 23 mai quand «une escorte policière suivant» une équipe de la chaîne de télévision France 2» a été prise à partie par des manifestants dans la région de Tizi- Ouzou, précisent les signataires. Ces derniers «protestent contre cet état de fait» et demandent à pouvoir exercer «normalement» leur métier «sur tout le territoire algérien", ajoutant que "dans les conditions actuelles, il nous est impossible d'assurer correctement la couverture de ces élections».