Cela fera bientôt quatre années que la stratégie nationale pour le développement de la logistique a été dévoilée et trois ans que l'agence dédiée à sa mise en œuvre a été créée. Mais à ce jour encore, on ne peut pas dire que la stratégie est véritablement sur les rails. Pour preuve, sur les 10 contrats d'application censés traduire ladite stratégie dans les faits, à peine un seul a été paraphé et mis en route. Mais il semble que les choses vont s'accélérer dans les trois mois qui viennent. En tout cas, à en croire des sources proches de l'Agence marocaine du développement de la logistique (AMDL), quatre nouveaux contrats d'application sont quasiment finalisés et devraient être paraphés dans les semaines qui viennent. Il s'agit notamment des contrats relatifs aux matériaux de construction, aux flux import-export, à la distribution interne et, enfin, celui de la formation. Pour ces quatre contrats, l'AMDL vient d'ailleurs de soumettre les drafts qu'elle a préparés aux premiers concernés, en l'occurrence la CGEM. Cette dernière devrait, tout le long du mois de janvier, organiser des réunions avec ses membres, notamment ceux opérant dans les secteurs en question, pour débattre des propositions de l'Agence et y apporter les modifications et suggestions des professionnels. Une fois ce travail achevé, la CGEM transmettra de nouveau ses appréciations à l'agence qui, en principe, « devrait prendre en considération les remarques des professionnels pour l'élaboration des contrats définitifs », espère un membre de la confédération. Lesdits contrats devraient, vraisemblablement, être ratifiés courant février… Mieux vaut tard que jamais. Le premier de ces contrats se propose un gros challenge dans la mesure où il a pour but de moderniser et organiser tout le dispositif de transport et logistique qui sert à approvisionner le commerce dit intérieur. En fait, il s'agit plus concrètement de toute cette flotte de camions et autres véhicules qui irriguent chaque jour les petites ruelles de nos villes pour livrer aux épiceries, entre autres, une multitude de produits. La tâche ne sera pas facile au regard de la complexité et surtout de l'atomicité du secteur. Quelques chiffres suffisent pour en donner un aperçu. Aujourd'hui, le commerce intérieur, objet de ce contrat, est composé de quelque 230.000 points de vente dont 90% sont classés dans le commerce traditionnel. 180.000 magasins sont d'une superficie de moins de 50 mètres carrés et 80.000 magasins sont en fait des épiceries de quartiers. Il s'agira donc, dans le cadre de ce contrat, d'organiser la flotte, d'optimiser les flux de livraisons quotidiens, de moderniser aussi le dispositif car plus de 70% de produits sont transportés dans des conditions qui ne respectent pas les normes standards en matière de qualité, de sécurité et de protection de l'environnement. Un dernier chiffre, enfin, pour mesurer l'ampleur de la tâche : en 2013, le commerce intérieur, toutes catégories confondues, s'est fait livrer pour un volume total de 28 millions de tonnes de marchandises dont 16 millions de produits alimentaires frais (produits laitiers, viandes, volailles, huile, sucre…) et 8 millions de produits non alimentaires, notamment l'habillement et textile et les produits d'hygiène. Selon les prévisions de l'agence, ce volume atteindra les 35 millions de tonnes en 2020. Le deuxième contrat qui sera signé prochainement est relatif, lui, à un secteur tout aussi névralgique mais non moins chaotique que les matériaux de construction. Le diagnostic préliminaire de l'agence fait d'ailleurs état des mêmes problématiques : un secteur dominé par une multitude de petits opérateurs (revendeurs traditionnels de matériaux de construction) et des conditions de transport qui ne répondent pas aux normes dans 90% des cas. Et là aussi, la modernisation de cette filière ne sera certainement pas une partie de plaisir. La preuve, en 2013, ce sont quelque 240 millions de tonnes de matériaux de construction qui ont été transportés sur les routes marocaines par des camions qui, dans presque 98% des cas, ne remplissent pas les conditions minimales en termes de qualité, de sécurité et encore moins en termes de respect de l'environnement. Le troisième contrat, lui, est relatif aux flux import-export. Un flux tout aussi volumineux que les deux précédents avec quelque 78 millions de tonnes par an dont 23 millions de tonnes à l'export et 45 millions à l'import. Ce troisième contrat pose encore plus de défis dans la mesure où, en plus des problèmes posés par la chaîne logistique local, il est davantage compliqué car il fait intervenir en plus des transporteurs étrangers, les services de douane marocains et étrangers, les autorités portuaires… Le contrat devra, entre autres objectifs, parer à deux faits majeurs observés jusque-là: plus de 80% des flux aussi bien à l'import qu'à l'export consistent en des marchandises transportées en vrac (84% pour l'export et 79% pour l'import) et, d'un autre côté, plus de 75% des flux se trouvent concentrés sur quatre ports, à savoir Casablanca, Jorf Lasfar, Mohammedia et Safi. Pour remédier à tout cela, l'AMDL propose dans ses trois projets de contrats une batterie d'actions, 61 en tout, à mener entre 2014 et 2018, dont 13 pour le transport des matériaux de construction, 15 pour le commerce intérieur et 33 pour les activités d'import-export. Il est à noter que le 4ème contrat concerne la formation dont les grandes lignes ont été dévoilées quelques semaines auparavant. Il reste à attendre maintenant la réaction du secteur privé qui a reçu les drafts fin décembre et qui dispose d'un délai jusqu'à fin janvier pour y apporter ses remarques, ce qui laisse présager d'une éventuelle signature desdits contrats en février après presque 4 années d'attente…