Même si l'on parle de plus en plus de liberté d'expression dans les quatre coins du globe, les journalistes continuent de servir de cible facile à leurs détracteurs. Les rapports sont accablants. Au Proche-Orient, en Algérie, dans les Balkans, en Espagne, aux Etats-Unis. Les journalistes et médias en général n'en finissent pas de payer un lourd tribut au terrorisme florissant ces dernières années. Menaces, enlèvements et même assassinats. Tous les moyens sont bons pour réduire au silence ceux qui risquent de déranger. Le rapport pour le moins volumineux (700 pages), publié jeudi par l'organisation internationale Reporters sans frontières, va dans ce sens et reste des plus alarmants. Sur tous les continents, l'exercice du métier de journaliste a subi de rudes attaques au cours de l'année 2001. Trente-trois journalistes ont été tués, que ce soit dans des zones de combat ou délibérément abattus. Ils étaient 32 en 2000. Le nombre de journalistes victimes de ces actes est ainsi porté à 176 entre 1992 et 2001. Les interpellations de journalistes, au nombre de 489, sont en progression de 50 % par rapport à l'an dernier, les menaces et agressions, (716 cas recensés), de 40 %. Les actes de censure - 378 situations signalées - à l'encontre des médias se sont accrus de 28 %. Seul tord commis par les journalistes : le sens du devoir et le fait même d'exercer son métier. « De plus en plus de journalistes sont derrière les barreaux pour avoir dénoncé une malversation, critiqué la gestion d'un responsable, ou encore exprimé des inquiétudes de quelque nature qu'elles soient », indique le rapport, soulignant que 110 journalistes sont aujourd'hui détenus, contre 74 en 2000. Cent cinquante pays sont accusés de ne pas reconnaître la liberté de la presse. Si la Chine, par exemple, a accédé à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et veut organiser les Jeux olympiques de 2008, sa presse n'en reste pas moins sujette au Parti Communiste. C'est aussi le cas de la Tunisie où, selon RSF, « le régime policier du président Ben Ali contrôle d'une main de fer les médias privés et publics, exerce une répression tous azimuts et se pose en victime à chaque fois qu'il est mis en accusation ». En Cisjordanie, plus de 50 journalistes ont été blessés depuis le début de la seconde Intifada. Le rapport de la Commission pour la protection des journalistes affirme même que cette région occupée par Israël est actuellement « le pire endroit pour un journaliste ». La CPJ accuse explicitement le gouvernement Sharon de recourir à la force pour empêcher les journalistes de couvrir ses incursions. Elle dénonce aussi la détention par l'armée israélienne d'un journaliste de l'agence britannique Reuters. Jussry Al Djamal, un cameraman palestinien de 23 ans, a été interpellé mardi après-midi à Hébron, en Cisjordanie. Les autorités israéliennes n'ont pas voulu dire pourquoi Djamal a été arrêté ni où il se trouve. Ces « bavures » se multiplient également dans les pays les plus démocratiques. Les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 n'ont pas fini de se faire sentir aux Etats-Unis et au Canada, fragilisant le principe fondamental de la libre circulation de l'information. « Dans la guerre engagée contre les forces du Mal, l'administration Bush est peu regardante sur les moyens », souligne RSF. En Italie, la répression, par le gouvernement Berlusconi, des manifestations organisées contre la mondialisation lors du sommet de Gênes, a fait un mort et de nombreux blessés, dont 19 journalistes. Le rapport dénonce également les assassinats par des groupes armés en Espagne et au Royaume-Uni. Autant de faits qui montrent que le monde entier est entraîné dans une spirale inquiétante.