Des mouvances et des sensibilités politiques se retrouvent, volontairement ou contraintes, en marge du processus électoral qui en train de se mettre en place. Chaque composante a ses motivations en relation avec son idéologie et l'état de son organisation. Voyage dans ces poches de résistance à la normalisation. Tout mouvement qui fait référence à l'Islam ne sera pas reconnu comme parti politique et participera encore moins aux élections sans cette bannière. Cette situation s'applique à une seule organisation au Maroc, en l'occurrence Al Adl Wal Ihssane de Abdesslam Yassine. L'association islamiste, interdite, est condamnée ainsi à agir dans la clandestinité sur son terrain de prédilection, le social politique. Cependant, ce mouvement n'est plus ce qu'il était. On dirait qu'il s'est assagi tout d'un coup. En fait, nombre d'événements survenus ces derniers temps ont contribué à une certaine forme de régulation. D'abord, le champ de l'action sociale occupé par S.M. le Roi Mohammed VI dès son accession au Trône en juillet 1999. Fort et permanent, l'engagement royal dans ce domaine a déstabilisé la stratégie d'un mouvement qui se croyait jusqu'ici imbattable sur ce créneau. Ensuite, la levée de l'assignation à résidence de Cheikh Yassine, décidée par le Souverain. Ce qui a enlevé un argument de taille à ses militants qui profitaient du moindre prétexte pour manifester et réclamer l'élargissement de leur chef. Une manière de se revigorer et d'entrer en confrontation avec les autorités. Depuis qu'il est libre de ses mouvements et surtout de ses paroles, les faits et gestes de M. Yassine ne sont plus traités comme un événement. Quand il était assigné à résidence à Salé, sa moindre déclaration suscitait un grand intérêt dans les milieux politiques et médiatiques. À l'époque, avant l'avènement de Mohammed VI, le leader de Al Adl Wal Ihssane avait-il été utilisé à son corps défendant comme un épouvantail en le présentant comme un homme dangereux pour faire peur aux Marocains et réaliser ainsi des objectifs inavoués ? Une chose est sûre : un vent de banalisation de la figure islamiste a soufflé dans la conférence de presse qu'il avait donnée à l'occasion de la levée de l'assignation à résidence. Ceux qui s'attendaient à rencontrer un Yassine charismatique ont plutôt fait connaissance avec un fkih qui de sa voix fluette prêchait les préceptes de l'Islam. Enfin, les événements dramatiques du 11 septembre qui ont endeuillé les Etats-Unis et ébranlé le monde. Fille du Cheikh et porte-parole de l'association, Nadia Yassine n'a-t-elle pas eu ce cri de cœur, presque de détresse : “Si c'est Oussama Ben Laden qui a fait le coup, il nous a joué un sale tour”. Ces attentats n'arrangent évidemment pas les affaires de l'internationale islamiste avec ses différentes mouvances. Bien au contraire. Ils ont ruiné toute leur stratégie et sont devenus le point de mire de Washington. Al Adl Wal Ihssane, qui s'est longtemps évertué à montrer un visage présentable en condamnant la violence, n'est plus perçue, à la faveur du chambardement du 11 septembre, comme un mouvement modéré. L'hostilité américaine s'est manifestée notamment avec le gel des comptes bancaires des organisations jugées terroristes à travers le monde. Pour l'administration Bush, tout ce qui dégage un parfum islamiste est à combattre. Quel avenir pour l'association de Abdesslam Yassine ? Quelle stratégie de rechange pour s'adapter à la nouvelle donne nationale et internationale ? Apparemment, le mouvement adopte un profil bas. La manifestation de Rabat en faveur de la Palestine est un pain béni pour des mouvements comme Al Adl Wal Ihssane. Une occasion rêvée de reprendre du poil de la bête. Mais les partisans de Yassine ont été noyés dans la masse des manifestants de tous les horizons politiques. Ayant naguère un certain retentissement, les déclarations de Nadia Yassine à la presse sont actuellement passées de mode. Elle a cependant tenté de revenir dans les bonnes grâces de l'actualité en accordant un entretien au journal espagnol El Mundo de dimanche 7 avril. Les propos publiés sont pour le moins virulents envers la monarchie et S.M le Roi Mohammed VI. Mais l'interviewée ne les assume pas, expliquant que la journaliste a mal interprété ses déclarations. Une technique connue destinée à semer la confusion : on tient les propos que l'on veut à l'étranger puis on s'empresse de les renier au Maroc.