ALM : Quelle évaluation pouvez-vous faire sur l'enseignement de la langue arabe au Maroc? Yassin Adnan : La qualité de l'enseignement de la langue arabe est faible et nécessite une révision notamment en ce qui concerne la méthodologie d'apprentissage. A titre d'exemple, l'apprentissage des règles de grammaire constitue un fardeau aussi bien pour l'enseignant que l'élève. Puisqu'il génère des difficultés linguistiques dont peut se passer l'élève dans les contextes effectifs de l'utilisation de la langue dans ce qu'elle a de plus vivant. Ainsi cette remise à niveau est nécessaire au Maroc et dans le Maghreb arabe en général, pour offrir à cette langue la place importante qu'elle mérite. Pourquoi cette langue souffre d'un certain désintérêt ? En plus de la manière d'enseigner la langue arabe, cette dernière souffre en général d'une image altérée et d'une représentation réductrice dans l'imaginaire collectif des gens. Dans ce sens, elle est victime de deux modes de perception différents. Il y a une position simpliste selon laquelle cette langue doit être entièrement mise de côté, considérée comme une langue figée et rigide qui refuse l'évolution. Puis il y a une deuxième position qui sacralise cette langue, la momifie et la voit comme une super langue. Comment y remédier ? Les deux approches citées ci haut font fi de la profondeur vivante et créative de l'arabe et de la richesse qui ressort quand la langue est en interaction et en toute ouverture avec les autres langues étrangères mais également par rapport aux langues maternelles, en l'occurrence la darija et l'amazigh. Il faut une nouvelle approche pour enseigner cette langue et la défendre en privilégiant la traduction, en se basant sur des gens raisonnables… Ceci est un défis pédagogique mais tout aussi politique pour assurer la «sécurité linguistique» des Marocains.