Dans une rencontre, mardi, avec des représentants de la presse nationale, le chef du gouvernement estime que le nouveau code électoral qui sera adopté prochainement par le Parlement est le cadre naturel et suffisant pour organiser les élections. Celles-ci devraient normaliser le jeu des alliances pour constituer les futurs gouvernements. Recevant un groupe de journalistes marocains, mardi 2 avril, à son domicile à Rabat, Abderrahmane Youssoufi arborait une mine radieuse. Le Premier ministre, qui revenait du Mexique où il a participé à la conférence de l'ONU sur le développement, semble avoir retrouvé une seconde jeunesse. D'entrée de jeu, M. Youssoufi recadre les choses dans la perspective des prochaines élections, livrant sur un ton calme son point de vue sur divers sujets ayant trait à ces échéances. Entré déjà en campagne, il se dit confiant dans le bilan de son gouvernement qu'il défend bec et ongles, se définissant comme “un politique responsable devant le peuple“, balayant d'un revers de main la structure technocratique, suggérant que l'expérience d'alternance, pour atteindre tous ses objectifs, doit pouvoir bénéficier d'un second mandat. Message aussi aux membres de la coalition au pouvoir qui seraient tentés fortement de faire campagne à part et de ne pas assumer le bilan de l'expérience dans sa globalité. D'abord, une partie des siens, les contestataires de toujours, qui se sont opposés énergiquement dès le début au passage de leur parti au réel, à la culture de gouvernement. Ensuite, l'Istiqlal qui a de tout temps entretenu des rapports aigre-doux avec l'USFP même à l'intérieur du gouvernement. Bagarre de leadership entre les deux frères-ennemis. Une compétition qui risque de s'intensifier davantage dans la course de septembre 2002. Qui de l'un et de l'autre obtiendra la majorité nécessaire qui lui permettrait de former le futur gouvernement et de s'imposer comme la principale locomotive ? La question est dans tous les esprits. Une chose est sûre : Abderrahmane Youssoufi est plus serein que jamais, confiant dans la bonne étoile de son parti. Il a presque décrété la fin de la Koutla, puisqu'elle “exerce tous les jours depuis 1998 au sein du même gouvernement“. Un bloc qui a certainement fait son temps mais auquel la formation de Abbas El Fassi continue à s'accrocher malgré tout pour des raisons politiques. Abderrahmane Youssoufi, habile à la manœuvre politique, a, semble-t-il, désormais les coudées franches, plus que par le passé : les alliances pour la formation du gouvernement, dit-il, ne se noueront pas forcément avec les partenaires de la Koutla, mais sur la base de la vérité des urnes et le poids électoral de chaque parti en course. Autrement dit, les contraintes d'hier ne seraient pas celles de demain. Fort de son sens de la foi et de l'intuition prospective, rien ne le détournera de son objectif premier, la construction démocratique du pays et le parachèvement des grandes réformes. Indifférent au brouhaha accusatoire et à une certaine meute médiatique sans muselière, tenace plus que vaniteux, coureur de fond plus que tribun politique, le Premier ministre a la carapace solide. Il continue de sourire sous les flèches et les attaques personnelles des haineux. Secret, presque énigmatique, il donne l'impression d'un moine zen que rien ne saurait déstabiliser, tirant sa force de l'adversité. Plus il est pris pour cible, plus il résiste. Son parcours de militant sincère et sa réputation d'homme qui ne court pas derrière l'argent constituent autant de gages de moralité. Se présentera-t-il devant les électeurs pour demander leur confiance et rempiler pour un nouveau mandat ? Personne ne sait. Certains dans son entourage chuchotent qu'il quitterait la scène gouvernementale avec la satisfaction du devoir accompli pour laisser la place à un dauphin qui continuera l'esprit de travail qu'il a inauguré.