C'est un Premier ministre et premier secrétaire de l'USFP serein qui a reçu mardi quelques représentants de la presse nationale. Le chef de l'exécutif est prêt à défendre le bilan global de son équipe. Au passage, il jette mine de rien un gros pavé dans la mare. Lecture. Un préalable. Les sans appartenance politique sont définitivement et irrévocablement des personna non gratta. Tout comme les listes indépendantes sont considérées comme des aberrations. Car, argumente le Premier ministre, si la finalité est de faire de la politique, le cadre idéal, naturel et irremplaçable pour cela est le parti politique. Et du moment qu'il n'y a pas de contrainte majeure pour la constitution de partis politiques, en témoigne le foisonnement que connaît la scène ces derniers temps, et que le premier ministre trouve normal, alors aucune raison valable ne pourrait expliquer de maintenir la porte ouverte aux candidatures indépendantes. Dans ce cadre, les prochaines échéances électorales ne verront donc en lice que des listes bénéficiant d'un socle partisan. Quel qu'il soit. Voilà qui devrait situer les candidats, tracer les contours de la carte politique du pays et partant clarifier davantage le jeu des alliances auquel ne manqueront pas de se livrer les différentes formations en lice à l'issue du scrutin. A cet égard, et s'il est acquis que le parti en tête formera le gouvernement, le tout est de savoir comment s'allieront les forces issues du scrutin, qui soit dit en passant, sont considérées sans exception par le Premier ministre et premier secrétaire de l'USFP comme des partis démocratiques, car ayant passé le sas d'un scrutin démocratique. L'ère des partis dit «administratifs» est révolue, elle cède la place à l'ère de la légitimité démocratique, laisse entendre M. Youssoufi. Dans cet état d'esprit, on ne voit plus du côte de l'USFP, l'utilité d'une commission ad-hoc pour statuer sur les fraudes électorales. Un énoncé de base qui permet au Premier ministre d'élargir au maximum son horizon d'alliances possibles. L'USFP, a-t-il laissé entendre, n'aura pas de problème à s'allier avec tel ou tel parti à la suite du scrutin, étant donné que le passage par cette épreuve électorale, donnée pour purificatrice, car transparente, les absout, semble dire M. Youssoufi, de toute tare excluant une alliance. Voila qui devrait donner à réfléchir à bien des «partenaires» potentiels de l'USFP. Un pavé lancé mine de rien dans la mare par le Premier ministre, dont les remous ne manqueront pas de chambouler la donne politique dans les jours à venir. Le message principal semble être que l'USFP post-prochaines élections, ne sera plus cette citadelle inapprochable, car les ponts-levis resteront baissés. Que l'on se garde donc de se laisser aller à trop d'invectives électorales, car il y ira de l'avenir des alliances de demain, lesquelles, selon M. Youssoufi, s'esquissent aujourd'hui. Dans ce contexte, et dans l'hypothèse tout à fait envisageable, du moins dans l'esprit de certains, où l'USFP se retrouverait en tête de liste et devrait former le prochain gouvernement, les tractations ne seront plus aussi laborieuses. Les contraintes d'hier n'ont plus cours aujourd'hui. Les quarante jours de gestation du premier gouvernement Youssoufi, qui avaient fait vivre le pays en 1998 dans un suspense politique, quasi-ininterrompu avec son concert de supputations, rumeurs, annonces et contre-annonces, risqueraient d'être réduits à des délais beaucoup plus compatibles avec le jeu démocratique, basé sur un scrutin réellement représentatif de la volonté des électeurs. Il ne faut pas être grand devin pour toucher dans cette posture du Premier ministre, le signe d'une émancipation quant à l'allié-rival de toujours, l'Istiqlal. Emancipation assortie de tirs de semonces. Car, en même temps qu'il ferme les portes à toute tentative de repli stratégique quand il clame haut et fort qu'il veut défendre le bilan de l'ensemble du gouvernement et que les citoyens sauront répondre à ceux qui tentent de renier ce bilan, Abderrahmane Youssoufi les ouvre en grand devant toutes les alliances après les élections, réduisant davantage encore l'horizon de ses alliés-rivaux. De la fine dentelle politique.