Alors que le Premier ministre défend le bilan de son gouvernement, les préparatifs pour les élections législatives de septembre vont bon train. Les états-majors politiques sont absobés par le casse-tête des listes et les candidatures en position éligible. Les nécessaires ententes ou alliances partisanes attendront. L'inconnue du découpage électoral pèse encore sur les pronostics. On n'aura pas beaucoup vu le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi sur les plateaux de télévision, depuis son investiture à la tête du gouvernement en 1998. Deux passages en tout et pour tout, la primeur étant accordée à la première chaîne de télévision et la suite, une sorte de bilan global, réservée à la deuxième chaîne le mercredi 29 mai. Un second passage qui a pris des allures de révélation pour de nombreux citoyens, tant le Premier ministre, attendu sur plusieurs dossiers, était donné « grand perdant » de la « confrontation » avec une presse nationale longtemps boudée. Il n'en a rien été. Les projecteurs des studios de 2M n'auront finalement en rien affecté un Abderrahmane Youssoufi, plutôt habitué aux tribunes politiques et aux tête-à-tête réfléchis avec les représentants de la presse étrangère. A sa manière posée, loin de tout ressentiment, le chef du gouvernement s'explique sur ce désamour avec la presse nationale. Certes, convient-il, les contacts auraient pu être plus intenses, d'autant plus qu'il se dit, animé depuis des mois de la volonté de s'adresser à l'opinion publique. Seulement, le Premier ministre considère que ses discours lors des différentes activités officielles, les sorties hebdomadaires du ministre de la Communication et les sorties des autres membres du gouvernement, sont autant d'occasions d'informer l'opinion publique sur l'action du gouvernement. La presse internationale, qui a eu les faveurs du chef du gouvernement, est quant à elle «une tribune importante» pour le Maroc, dont il s'agit de faire connaître les évolutions politiques, économiques et sociales. « Il y va de la promotion des investissements extérieurs », qui est un élément de base de la grande mission dont le Premier ministre se sent investi, ce qui devrait faire dépasser « la jalousie déplacée de la presse nationale », dont certains organes, s'étonne le Premier ministre, « ont inauguré une campagne contre le gouvernement, visant à minimiser son bilan ». Quant aux libertés publiques et à la liberté d'expression, la réponse du Premier ministre est toute prête. Les journaux interdits l'ont été « parce qu'ils ont porté atteinte à la monarchie et à l'armée », affirmera-t-il. Pour le reste, M. youssoufi, citant le témoignage du secrétaire général de l'Internationale socialiste, ne connaît pas d'autre pays où la liberté d'écrire est aussi manifeste. La liberté de « critiquer, d'attaquer et d'insulter », ajoutera-t-il l'air entendu, ajoutant que «n'importe qui ne peut pas s'improviser journaliste et s'arroger ainsi le droit de diffamer les gens et les institutions sans que ceux-ci aient de recours». Abderrahmane Youssoufi va par ailleurs jusqu'à classer les relations de l'exécutif avec la presse nationale dans le registre des «contraintes inattendues» de son équipe, au même titre d'ailleurs que « la sécheresse, l'ambiance au niveau du Parlement et l'héritage du passé ». Sans compter les « poches de résistance », que Abderrahmane Youssoufi trouve « tout à fait normales », face à un « gouvernement qui entend mettre un terme à l'accumulation des intérêts » et présente ces résistances plutôt comme un signe de la pertinence de l'action de l'exécutif. Fine manœuvre du Premier ministre qui se défend, dans la même foulée, d'avoir voulu dans des «visées électoralistes», accélérer la cadence de projets comme la réforme de l'administration ou la couverture maladie obligatoire. Il n'en est rien dira-t-il puisque ces projets figuraient effectivement dans la déclaration gouvernementale et ont dû prendre le temps qu'il fallait en fonction des priorités du moment. C'est cependant sur la polémique autour de la tenue au Maroc de la réunion de l'Internationale socialiste, que le Premier secrétaire de l'USFP s'étendra le plus. Là encore, l'étonnement est de mise, puisque c'est « d'un honneur pour le Maroc et pour l'USFP qu'il s'agit ». Le soutien à la lutte palestinienne passe certes par les manifestations des citoyens, par la collecte des dons, « mais aussi par l'action politique ». Or, pour Me Youssoufi, l'organisation au Maroc de la réunion de l'IS, la plus grande organisation politique au monde, avec à l'ordre du jour la situation au Moyen orient, est « le meilleur soutien politique qui puisse être apporté aux frères palestiniens ». La polémique suscitée autour de cette initiative de l'USFP, « parfois à travers certains de ses partenaires au gouvernement » n'est autre qu'une « spéculation politique » et une « instrumentalisation » de cette initiative. A visées électoralistes, semblait sous-entendre le chef du gouvernement. Et de s'attaquer dans le même registre aux menaces de grève qui prolifèrent. D'abord, pour le Premier ministre, les fronts –montés en toute hâte- « ne sont pas unis». Ensuite ce sont «des grèves de nature plutôt politique», à travers lesquels la Confédération démocratique du travail (CDT – nommément désignée), entend « créer de nouveaux conflits », le dossier de l'enseignement ayant réalisé l'accord des partenaires. Là encore les visées électoralistes, plutôt que d'être lancées en franche accusation, sont dévoilées mine de rien, au détour d'une déclaration sur les élections. Le succès de ces consultations représente pour le Premier ministre, la quintessence de l'action du gouvernement. «Dans son ensemble et avec toutes ses composantes» s'entend. Libre, demain, à chaque parti, d'affronter les urnes, seul ou au sein d'alliances à travers des listes communes, conclura, mystérieux, un Premier ministre et Premier secrétaire de l'USFP , plus combatif et serein que jamais.