«J'y suis, j'y reste ». Mohamed Nabili ne bougera pas de Benslimane, où il a créé il y a quelques années une fondation baptisée de son propre nom au service des enfants de l'orphelinat. Rétif au grand bruit que connaît l'été, il préfère se retrancher dans son atelier. «Je voyage dans ma tête», répond ce plasticien connu pourtant pour être un grand voyageur. Mais à cette trêve, il y a plusieurs raisons. Nabili n'a pas oublié qu'il s'était trouvé un jour orphelin de père et de mère. «Les meilleures vacances que l'on puisse avoir, ce sont celles que l'on peut offrir à des enfants», pense-t-il, résolu. Ainsi, a-t-il consacré tout le mois de juillet à la formation des enfants de l'orphelinat d'Al Akkari, de Rabat. «C'est un bonheur absolu que de voir se dessiner sur les lèvres des enfants un sourire angélique», dit-il, en pensant à une soixantaine d'orphelins que «j'ai eu une joie immense d'accueillir chez moi cet été». Entre un atelier et un autre, l'artiste trouve toutefois le temps de goûter aux délices de la solitude. Son «journal de bord» : un carnet de croquis et une boîte d'aquarelle. «Il faut absolument que je dessine, sinon je suis malade», confie-t-il. D'où la dimension thérapeutique du dessin, un véritable antidote au blues existentiel. De nature solitaire, l'artiste ne connaît pas autre meilleur compagnon. Au même titre que la musique, qui berce les heures perdues de cet artiste qui a abandonné le cadre feutré des «salonnards» pour se retrancher dans un lopin de terre éloigné à Benslimane. «Il y a moins de monde, plus de fraîcheur qu'il n'en faut pour se prémunir contre la vague de chaleur ambiante», certifie-t-il. L'artiste a même décliné pour début août une invitation à Liverpool, en Grande-Bretagne, pour rester dans son petit «paradis terrestre» à Benslimane. Et s'il devrait bouger de cet îlot de paix, «je mettrais certainement le cap sur la montagne», révèle-t-il, en évoquant des randonnées sur les monts du Moyen-Atlas. «J'aime bien me retrouver face à moi-même, loin de la foule», affirme ce lecteur passionné de Friedrich Nietzsche. Interrogé sur ce qu'il pense de la plage, il répond simplement : «Ce n'est vraiment pas mon trip». Solitaire incorrigible, Nabili veut être là où les bipèdes se font rares. Histoire de revenir à soi-même, loin de la mêlée. Qui a dit que la création est un acte solitaire ?